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Russell Martin : une simple panne de jugement

Revue de presse

Martin Leclerc, Radio-Canada.ca, le 18 mars 2013

Phillippe Aumont Le New York Times publiait lundi un article dans lequel Tony La Russa y allait de commentaires dithyrambiques à l’endroit du receveur Yadier Molina, qu’il considère comme l’un des grands responsables de la participation de Puerto Rico à la grande finale de la Classique mondiale de baseball.

En lisant ce papier, il était difficile de s’empêcher de penser à Russell Martin, qui a refusé de porter les couleurs canadiennes dans ce tournoi.

Fort bien guidés par Molina, les très ordinaires lanceurs portoricains sont parvenus à défaire les Japonais (champions en titre) en demi-finales dimanche soir. Et ils affronteront mardi les gagnants de l’autre demi-finale, qui opposera lundi soir les Pays-Bas à la République dominicaine.

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Martin est vénéré par les amateurs de baseball québécois parce qu’il s’est hissé jusqu’aux ligues majeures et parce qu’il a porté les couleurs des Dodgers de Los Angeles et des Yankees de New York, deux des plus prestigieuses organisations du baseball.

À ce titre, un grand nombre d’entre eux ont mal accueilli les critiques dont le receveur québécois a été l’objet parce qu’il ne s’est pas joint à la formation canadienne. Pourtant, ces critiques étaient tout à fait justifiées.

En plus d’être honni par les partisans canadiens, Russell Martin a été vertement critiqué par des joueurs étoiles comme Joey Votto et Justin Morneau qui, malgré leur statut, sont venus prêter main-forte avec enthousiasme à leur équipe nationale. Brett Lawrie, des Blue Jays, a aussi publiquement désapprouvé la décision de Martin.

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La question dans cette affaire n’est pas de savoir si Martin aime suffisamment le Canada, comme des confrères du Canada anglais l’ont demandé. Par contre, à voir la manière dont il s’est comporté par rapport à l’équipe nationale, on se demande si Martin se rappelle du chemin qu’il a parcouru pour se rendre jusqu’aux majeures.

Baseball Canada et Baseball Québec, par l’entremise de leur académie (l’ABC) et avec le programme de l’équipe nationale junior, ont investi beaucoup de ressources humaines et financières pour aider Russell Martin à se développer. Et c’est en grande partie grâce à eux s’il est parvenu à décrocher son premier contrat chez les professionnels.

Mais voilà, au lieu de renvoyer l’ascenseur de façon toute naturelle et d’aller jouer un rôle important avec l’équipe canadienne, Martin a préféré rester au camp des Pirates de Pittsburgh. Ce n’est certainement pas parce que son poste est en jeu. Il est assis sur un contrat de deux ans d’une valeur de 17 millions.

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Ces derniers jours, Martin s’est défendu en disant qu’il avait décidé de passer son tour pour des raisons de santé. Une blessure à l’épaule est en effet venue le hanter ces dernières semaines.

Mais dès le départ, il avait montré le peu de respect qu’il éprouvait pour l’équipe nationale et la Classique mondiale en annonçant qu’il souhaitait se joindre à l’équipe canadienne uniquement si on lui offrait le poste d’arrêt-court!

Au baseball, le poste d’arrêt-court est réservé au meilleur athlète parmi les joueurs d’avant-champ. C’est à cet endroit qu’on installe celui qui possède la meilleure combinaison des qualités athlétiques, de la portée et de la puissance du bras. Ceux qui ont un bon bras et qui sont un peu moins mobiles finissent au troisième coussin. Ceux qui sont rapides, mais qui n’ont pas un bras assez fort, jouent au deuxième.

Même au début de sa carrière dans les ligues mineures, Martin n’était pas jugé suffisamment efficace pour jouer à l’arrêt-court. Il était surtout posté au troisième but. Puis, finalement, les Dodgers ont jugé qu’il valait mieux le transformer en receveur.

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Dix ans plus tard, en février dernier, voilà Martin qui se proclamait le meilleur arrêt-court au Canada! Rien que ça! « Qu’on me laisse jouer à cette position et je le prouverai », disait-il.

En ce moment, le meilleur arrêt-court canadien s’appelle Cale Iorg. Il joue quotidiennement à cette position aux niveaux AA et AAA dans le réseau des ligues mineures des Tigers de Détroit depuis 2009. Que Martin puisse se croire supérieur à Iorg est une hérésie. C’est à peu près aussi ridicule que si Carey Price se croyait meilleur que Jarred Tinordi au poste de défenseur parce qu’il aurait occupé cette position 10 ans auparavant.

Si ça se trouve, Martin s’est peut-être même blessé à l’épaule en s’entraînant à l’arrêt-court, où la mécanique du lancer est totalement différente de l’élan raccourci qu’utilisent les receveurs…

La Classique mondiale de baseball n’existe que depuis quelques années et elle n’a certainement pas la même renommée que le Mondial de foot ou d’autres compétitions internationales du genre. Mais ça reste une compétition sérieuse et ce n’est certainement pas l’endroit pour flatter des ego ou pour tenter des expériences farfelues.

Ce qu’on sait par contre, c’est qu’en l’absence de Martin, le receveur numéro un du Canada dans ce tournoi était Chris Robinson, un honnête athlète qui a passé toute sa carrière dans les ligues mineures. Russell Martin, lui, approche les 1000 matchs disputés dans les majeures. On sait donc qu’il aurait pu faire une grosse différence s’il avait eu l’idée saugrenue de jouer à sa position dans ce grand tournoi international.

Mais il n’en a jamais eu l’intention.

Russell Martin n’a pas manqué de patriotisme, il a tout simplement manqué de jugement. Et c’est dommage. À une époque où son sport est en perte de vitesse au Canada, il a raté une belle occasion de faire sa part, comme Votto, Morneau, Lawrie et les autres l’ont fait.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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