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Encore beaucoup de chemin à parcourir!

Texte de Jacques Lanciault présenté dans le cadre d’un cours de rédaction à l’Université de Montréal. Le travail consistait à rédiger un texte d’argumentation permettant à l’auteur de prendre position quant à l’affirmation suivante : « L’égalité entre les hommes et les femmes est réelle ».

Laval, le 8 avril 2004 - L’égalité entre les hommes et les femmes n’est acquise nulle part dans notre vaste monde. Au Québec, les femmes se sont taillé une place enviable dans la société. Mais l’égalité à part entière avec l’homme, n’est assurément pas une réalité, et ce, encore moins dans le monde des médias!

L’annonce surprise en 2003 de la démission de Stéphan Bureau de son poste de chef d’antenne du Téléjournal de Radio-Canada a fait naître beaucoup d’espoir chez les journalistes présentatrices oeuvrant au sein de la société d’État : Céline Galipeau, Michaëlle Jean, Josée Thibeault, Dominique Poirier, pour ne nommer que celles-là, se sont mises à rêver.

Ce n’est cependant pas de la fumée rose qui est apparue sur le toit de la maison de Radio-Canada lorsque les « grands » stratèges de notre télé publique, sortis de leur conclave, ont fait connaître leur décision quant au remplacement du « pape » Bureau. C’était plutôt un nuage de fumée aux teintes grise et blanche. Gilles Gougeon, un animateur frôlant l’âge de la retraite, obtenait le poste. La déception a été durement ressentie chez la gent féminine radio-canadienne.

On connaît la suite : la chute des sacro-saintes cotes d’écoute s’est poursuivie; à la fin septembre, le grand patron de l’information, Claude St-Laurent, a quitté son poste; son adjoint, Marc Gilbert, est écarté deux jours plus tard; fin janvier 2004, Louis Lalande prend les guides du service de l’information de la télévision française de la Société Radio-Canada (SRC). À peine en poste, surprise! il remercie Gilles Gougeon et le remplace en deux temps trois mouvements par Bernard Deromme. Chez la relève féminine, cette fois-ci l’espoir n’a même pas eu le temps de naître.

À tous ceux qui prétendent que l’égalité entre les hommes et les femmes est réelle aujourd’hui au Québec, et bien sachez que la petite histoire de la SRC n’est pas l’exception au pays de la fleur de lys.

Les droits des femmes progressent
Au cours du XXe siècle, les droits dévolus aux femmes au sein de la société québécoise ont progressé à un rythme effréné.

Au Québec, le droit de vote a été accordé aux femmes en 1940. Jusque dans les années 1950, seule une minorité de femmes poursuivaient des études après le primaire. Au cours des années 1960, les portes des études supérieures leur ont été ouvertes toute grande.

Avant la Révolution tranquille, le marché du travail comptait sur la présence de peu de femmes et pour celles qui y oeuvraient les postes de commande leur étaient en fin de compte interdits.

Les années 60 et 70 ont vu un fort contingent de femmes envahir le marché du travail. Leur arrivée massive n’a pas été une sinécure. L’appui du conjoint et de la famille, dans la majorité des cas étant absent.

François Gravel, dans son roman Fillion et frères, publié chez Québec Amérique, présente avec beaucoup d’éloquence la vision qu’ont les hommes du début des années 1960 quant au travail des femmes hors de la maison :

« Peut-être que les femmes ont besoin de se dépenser. Peut-être que ça les dérègle de tourner en rond dans leur maison. Autrefois, elles avaient deux fois plus d’enfants et dix fois plus d’ouvrage, mais aujourd’hui avec les machines automatiques, elles appuient sur un bouton et, bingo, c’est fini. Peut-être qu’elles ont besoin de travailler pour éliminer les aigreurs qui passaient autrefois dans l’essoreuse. Peut-être qu’elles ont peur de s’ennuyer tout simplement. Alors elles parlent de s’épanouir, parce que ça fait plus joli. » (Fillion et frères, p.101)

Comment ne pas être gonflé à bloc fort d’un tel appui de la population mâle? Cette attitude datant d’un autre siècle n’a pourtant pas ralenti le mouvement « d’épanouissement » des femmes. L’ère de la femme au foyer venait de prendre fin.

Selon Statistiques Canada, en 2002, un peu moins de la moitié de l’ensemble des travailleurs du Québec était des femmes. Évidemment, la plupart d’entre elles oeuvrent à des emplois traditionnellement féminins (infirmières, enseignantes, caissières ou commis aux ventes). Cependant, elles occupent de plus en plus des professions libérales (au Canada de 1987 à 2002 la proportion de femmes en médecine et en médecine dentaire est passée de 44 à 54% - Statistiques Canada).

Mais, ne nous réjouissons pas trop vite, les femmes au travail représentent aussi les deux tiers des travailleurs qui oeuvrent au salaire minimum.

Au crépuscule du XXe siècle, pour corriger l’écart salarial constaté entre les hommes et les femmes le gouvernement québécois adopte une loi. Malgré cela, encore aujourd’hui les hommes gagnent plus et occupent plus souvent les postes de direction.

Mais, d’égalité entre l’homme et la femme il n’y a pas
Ces nouveaux acquis de la gent féminine ne nous permettent pas cependant d’affirmer que « L’égalité entre les hommes et les femmes est réelle ».

Le statut de « femme », il est vrai, comporte beaucoup moins de restriction que par le passé, en fait, pour les femmes, l’égalité de droit est une réalité, mais l’égalité de fait entre les hommes et les femmes est toujours fictive.

Revenons encore une fois au monde des médias : qui occupent les fauteuils présidentiels de nos grands quotidiens? Guy Crevier est prédisent et éditeur de La Presse, Larry Smith, du moins pour quelques jours encore, est éditeur au quotidien The Gazette, au Devoir, même si Lise Bissonnette a tenu les guides durant quelques années, aujourd’hui on y retrouve Bernard Descôteaux comme grand patron et au Journal de Montréal, Pierre Francoeur occupe le poste de président et chef de la direction de Corporation Sun Media.

Qui sont les têtes d’affiche de nos journaux, des ondes radio et des chaînes de télévision? Pierre Foglia, Pierre-Yves Boisvert, René Homier-Roy, Paul Arcand, jusqu’à très récemment Jean Lapierre, Gilles Proulx, Bernard Deromme, Simon Durivage, et oups Sophie Thibault… et nous pourrions continuer ainsi longtemps. Mais, diantre! Où sont les femmes?

Pourtant, selon une étude réalisée en 2001 par le magazine Le 30, « dans les programmes de journalisme de l’Université Laval et de l’UQAM les filles comptent pour 75 % des étudiants ».

Non seulement refuse-t-on aux femmes les feux de la rampe, mais en plus on les paie moins. Selon des chiffres fournis par le syndicat des communications de Radio-Canada, à une exception près, les femmes les mieux payées des émissions d’affaires publiques de la SRC reçoivent encore moins que leurs collègues masculins les moins bien payés (La Presse 13 mars 2004). Et cette situation, malheureusement se retrouve dans une majorité de secteurs.

Pourtant, avec les succès que connaissent les femmes dans les études supérieures, c’est bien le contraire qui devrait se produire.

Même l’égalité entre hommes et femmes n’échappe pas à la réingénierie de l’état
Le long combat des femmes pour l’égalité n’est donc pas terminé. La plus belle preuve qu’il ne l’est pas nous a été donnée en mars dernier, lorsque la ministre de la Condition féminine au sein du gouvernement Charest, Micheline Courchesne, a confié un mandat à un comité ad hoc à l’effet « de jeter les bases d’une politique québécoise d’égalité entre les hommes et les femmes. »

Alors, si même la ministre croit en la nécessité d’adopter une politique d’égalité entre les hommes et les femmes, comment pourrait-on croire qu’égalité il y a ?

Cependant, il ne faudrait pas monter aux barricades. Un vieux dicton dit : « Lorsque je me regarde, je me désole; lorsque je me compare, je me console. » Quoi de plus vrai en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes : le monde musulman oblige la femme à démontrer sa soumission par le port du voile, en Afghanistan l’accès à l’école pour les filles était interdit jusqu’à la chute des talibans, en Chine l’abandon des bébés filles est une situation courante, en Afrique l’excision a encore cours… Alors, malgré tout, vive le Québec !

Bibliographie

Agence France Presse, « Esclavage sexuel, crimes d’« honneur », mutilations, AI dénonce la violence faite aux femmes », Le Devoir, le 7 mars 2004.

Asselin, Pierre, « Futur métier : journaliste, Sexe : féminin », Le Trente, décembre 2001 et janvier 2002, pages 24 et 25.

Boucher, Catherine et Fréchette, Christine, « Un nouveau mandat souhaité pour le Conseil du statut de la femme, Bienvenue aux hommes », Le Devoir, le 24 février 2004.

Collard, Nathalie, « L’équité salariale à la SRC : de la poudre aux yeux, selon le syndicat », La Presse, le 13 mars 2004.

Desjardins, Pierre, « Du machisme à Radio-Canada », Le Devoir, Lettres, le 21 mars 2004.

Gravel, François, Fillion et frères, Editions Québec Amérique, 2003, 360 pages.

Lévesque, Lia, Presse Canadienne, « Statistique Canada dévoile son étude, Le travail au féminin », le 10 mars 2004.

Presse Canadienne, « En 2003 au Canada, Le salaire minimum est affaire de femmes », Le Devoir, le 27 mars 2003.

Richer, Jocelyne, « La Burqa et le bikini », Le Trente, décembre 2001 et janvier 2002, page 5.

Thibodeau, Marc, « Afghanistan, Les droits des femmes, une bataille de longue haleine », La Presse, le 23 janvier 2004.

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