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Le Curé Labelle et le maire Drapeau ont pavé la voie à Loto-Québec

Texte rédigé par Jacques Lanciault dans le cadre d'un cours de rédaction à l'Université de Montréal

Laval, 3 avril 2004 - « Un p’tit 6-49 pour le tirage de ce soir? » Pour toute une génération de Québécois, celle des 35 ans et moins, cette banale question d’un caissier de dépanneur coule de source. Pour eux, Loto-Québec et sa kyrielle de loteries ont toujours fait partie de leur quotidien. Pourtant, il y a moins de 40 ans, toute personne impliquée dans un tel commerce risquait une peine d’emprisonnement de deux ans et une coûteuse amende.

Loto-Québec, de son vrai nom La Société d’exploitation des loteries et courses du Québec, est né le 1er janvier 1970 au terme d’une longue bataille ayant opposé les politiques de tout le pays depuis 1828. Cette année-là, le gouvernement du Haut-Canada concluait, conformément au code criminel anglais, à l’illégalité des loteries. Malgré cet interdit, de tout temps au Canada le commerce du jeu a été florissant, surtout au Québec.

En 1867, avec l’avènement de la Confédération, le Québec, disposant maintenant d’un parlement, édicte une loi permettant des loteries sous certaines conditions : elles doivent avoir pour objectif d’amasser des fonds pour aider à la construction d’églises, de chapelles, d’hôpitaux, de salles d’asile, d’établissements d’éducation ou pour aider à la colonisation. En aucun temps cependant les lots remis ne doivent être en argent.

L’Église s’est rapidement approprié ce lucratif marché et durant tout près de 25 ans, en fait jusqu’au 1er juillet 1893, le Québec est devenu le royaume des loteries.

Le curé Antoine Labelle : un précurseur de Loto-Québec
En juin 1884, le curé Labelle, alors ministre de la Colonisation, créait la Loterie Nationale de Colonisation. Le religieux a déployé une belle stratégie marketing, alors que le mot marketing lui-même n’avait pas encore fait son apparition dans les dictionnaires.

Pour son premier tirage annuel, le curé Labelle met en vente 100,000 billets à 1 $. Le gros lot : une ferme à Vaudreuil. La valeur totale de tous les prix atteignait 50,000 $.

Devant le succès obtenu, le curé Labelle augmente la cadence des tirages : ceux-ci passent d’annuel, à trimestriel, puis à mensuel. De plus, il lance « la petite loterie » dont les billets ne coûtaient que 25 ¢ alors que les lots à gagner totalisaient 10,000 $. Comment ne pas penser à la «Mini-loto»? Vision de Loto-Québec près d’un siècle avant sa naissance ?

Au terme du 44e et dernier tirage, le 18 mars 1891, les gains nets de la grande loterie s’élevaient à près de un million de dollars, ceux de la petite à 300,000 $. Pour plusieurs historiens, il s’agit de la plus belle réussite commerciale du XIXe siècle.

Mais la concurrence se fait omniprésente, les loteries se multiplient et des scandales éclatent. En 1892, le Parlement du Canada sonne le glas de la foire, adoptant le premier Code criminel du pays qui abolissait toutes les loteries.

Dès ce jour et jusqu’en 1968, les loteries clandestines font leur nid au Québec. Le « sweepstake » d’Irlande, les « pools » de hockey, de baseball et de football, les bingos, etc., tous règnent en roi.

Le maire Drapeau « met la table » pour Québec
En 1968, l’administration Drapeau-Saulnier, à la barre de la ville de Montréal, pense avoir trouvé une faille dans la loi et met sur pied une taxe volontaire assortie d’un tirage qui connaît un franc succès. Mais de faille dans la loi il n’y a pas, et le 22 décembre 1969 la Cour suprême du Canada déclare illégale la taxe volontaire au slogan évocateur « As-tu envoyé ton 2 $? ». À la même époque, le gouvernement du nouveau Premier ministre canadien, Pierre Elliot Trudeau, adoptait une loi qui permettait l’exploitation de système de loterie par les gouvernements… provinciaux.

Québec saute sur l’occasion et procède à la création de Loto-Québec; une lucrative industrie venait de naître. Lors du seul exercice financier 2002-2003, les revenus de la « nouvelle taxe volontaire » se chiffrent à 3,749 milliards de dollars! Pour le curé Labelle et pour le maire Drapeau, un tel chiffre ne peut certes pas « être légal ».

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