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Juin/06
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La pratique d’un sport d’équipe : une école de vie à nulle autre pareille

Texte de Jacques Lanciault présenté dans le cadre d’un cours de rédaction à l’Université de Montréal. Le travail consistait à rédiger un texte d’argumentation permettant à l’auteur de prendre position quant à l’affirmation suivante : « On considère parfois le sport comme un apprentissage de la vie ».

Les joueurs du Paramédic Voyageur de Saguenay se préparent pour un match.Jonathan, 26 ans, est en colère. Son employeur vient de lui signifier que ses services ne sont plus requis. Pourtant, il n’oeuvrait à cet endroit que depuis quelques mois. Pour lui, encore une fois, la même rengaine recommence : il déniche un emploi, au début tout est beau, puis, petit à petit, il n’y trouve plus de satisfaction, plus de motivation, il s’absente de plus en plus souvent et son rendement commence à péricliter.

Comme plusieurs autres jeunes de sa génération, Jonathan a vécu une adolescence au rythme des jeux vidéo et de l’oisiveté quant à l’activité physique et aux sports d’équipe. Détenteur d’un diplôme d’études collégiales en technique administrative, obtenu à l'arraché à la suite de la reprise de quelques cours échoués, il a pris le chemin du marché du travail à l’âge de 20 ans. Depuis, il a déjà cumulé plus d’une dizaine d’emplois, n’en conservant aucun plus de six mois.

Pour une foule de raisons, ses employeurs l’ont tous remercié, souvent même bien avant l’échéance des périodes de probation auxquelles on le soumettait. Les raisons invoquées par ses patrons varient peu d’une mise à pied à l’autre : travaux bâclés ou non conformes aux exigences, absences fréquentes, non-respect de l’autorité, incapacité à travailler en équipe, etc. Aurait-il été mieux préparé au marché du travail, à la vie de travailleur actif, s’il avait, durant son adolescence, pratiqué un ou des sports d’équipe?

Si on posait la question aux dirigeants des fédérations sportives du Québec, ils affirmeraient tous qu’effectivement le sport permet un apprentissage de la vie. Qu’en est-il vraiment? Le sport peut-il faire la différence entre succès et échec lorsqu’on accède au marché du travail? Serait-on mieux préparé à obtenir et à garder un emploi si on s’est adonné à la pratique du sport durant sa jeunesse? Plusieurs éléments méritent qu’on y réfléchisse.

La pratique d’un sport, plus particulièrement la vie au sein d’une équipe sportive, s’apparente sous plusieurs aspects à la vie en société. Il y a un objectif à atteindre : gagner, il y a une direction : l’entraîneur-chef et ses assistants, il y a des collègues de travail : les coéquipiers, il y a la concurrence : les autres équipes, il y a des règles à suivre : les règlements du jeu à proprement parler et il y a ceux qui assument la responsabilité de les faire respecter : les arbitres.

Le simple fait de faire partie d’une équipe sportive permet à un jeune, à maints égards, de vivre une expérience qui, avouons-le, ressemble à s’y méprendre au modèle de vie de nombre de travailleurs.

Mais, il y a plus. Chez nous au Québec, probablement en raison du sang latin qui coule dans nos veines, la pratique des sports d’équipe est axée sur la compétition, c’est dire que chez nos entraîneurs le désir de gagner est omniprésent. Donc, pour un jeune il ne suffit pas de s’inscrire au sein d’une équipe sportive pour qu’automatiquement, il soit assuré de disputer tous les matchs. Le jeune doit gagner sa place. Il doit se plier aux exigences des entraîneurs et travailler fort pour être de l’alignement partant. Ainsi, le jeune apprend à se battre pour gagner sa place. N’est-ce pas là encore le reflet du monde du travail d’aujourd’hui? Un jeune confronté à une telle situation dans sa jeunesse connaîtra d’avance la règle de base du « sport » de son futur : la pugnacité.

Réussir à se tailler un poste au sein d’une équipe, c’est déjà un bon début, mais ce n’est pas suffisant. Il faut se battre jour après jour pour le garder. Le jeune devra ainsi s’astreindre à une éthique de travail soutenu pour conserver son poste. À une époque où la permanence d’emploi n’est plus dans les moeurs, le jeune capable de se plier à une éthique de travail rigoureuse, parce qu’il y a été habitué dans sa jeunesse, sera plus performant jour après jour, améliorant ainsi ses chances de conserver son emploi, peu importe le type de fonction occupé.

Le sport permet aussi aux jeunes d’apprendre à se soumettre à l’autorité de diverses personnes, celle de son entraîneur, celle des arbitres, celle des dirigeants de circuit. Plus tard, dans le cadre d’un emploi, dans le cadre d’activités sociales ou encore dans le cadre d’activités de loisirs, toujours il y aura rapport d’autorité. La pratique du sport prépare les jeunes à cette réalité.

Une autre valeur véhiculée par le sport est la notion de respect : celui des coéquipiers, celui des adversaires, celui de l’autorité (entraîneurs, arbitres, etc.), celui des spectateurs et même celui des équipements et des plateaux sportifs mis à la disposition des jeunes athlètes. À l’âge adulte, il y aura les collègues de travail, il y aura les supérieurs hiérarchiques, il y aura les clients, il y aura les équipements et les lieux de travail. De tout temps, le respect a été une qualité appréciée chez les employés, elle l’est encore aujourd’hui. De fait, partout dans notre société le respect est une qualité recherchée.

Autre qualité que le sport d’équipe permet au jeune d’acquérir : l’esprit d’équipe. Le sentiment d’appartenir à une collectivité, la perception qu’on a d’être important pour le groupe auquel on appartient. Dans la pratique d’un sport d’équipe, on n’a pas le choix, les autres comptent sur nous, nous comptons sur les autres, ensemble nous formons un tout indissociable. Un entraînement est fixé, tous doivent y être pour apprendre à évoluer ensemble. Une rencontre s’amorce à telle heure, impossible de ne pas y être à l’heure dite et dans les meilleures dispositions possibles, le succès de l’équipe en dépend. Cette capacité à devenir membre d’un groupe est une qualité inestimable dans le tourbillon du marché de l’emploi de notre époque. Des jeunes qui ont appris à s’intégrer à divers groupes durant leur jeunesse, disposeront d’un atout non négligeable.

D’ailleurs, dans le cadre de l’Année européenne de l’éducation par le sport, en 2004, l’organisation des Nations unies mentionnait dans sa publicité : « L’importance du sport pour l’individu va au-delà du bien-être physique : grâce au sport, des valeurs telles que la tolérance, le fair-play, le sentiment d’appartenance sont directement sollicitées. »

La pratique du sport permet également aux jeunes d’expérimenter nombre de situations qui sont courantes dans la vie de tous les jours, et ici on ne parle pas que de situations de la vie au travail. Dans le monde du sport, on apprend à gagner, certes, mais on apprend également à perdre. Il y a fort à parier que le jeune se coltinera tôt ou tard, dans son expérience sportive, à la défaite. Des revers souvent sans conséquence c’est vrai, mais aussi des défaites en match de championnat, des échecs qui font mal. Vivre de tels insuccès leur apprend que dans la vie, on ne peut pas toujours triompher, il faut donc accepter les revers, savoir identifier les causes sous-jacentes et être capable de trouver des solutions susceptibles d’éviter, dans la mesure du possible, leur répétition. Encore une fois, une excellente préparation pour la vie adulte, car des échecs il y en aura, au travail, dans les loisirs, dans la vie familiale et même dans la vie amoureuse, il n’y a rien de plus certain.

Par ailleurs, cela ne veut pas dire que la pratique du sport est une panacée quant à la préparation à la vie. S’investir dans des groupes liés au mouvement scout, des troupes de danses ou de théâtre, des clubs de lecture ou de recherche scientifique permet également un très bon apprentissage. Un fait demeure, la pratique d’un sport, particulièrement un sport d’équipe, offre un apprentissage si intimement lié au mode de vie qui est le nôtre à l’âge adulte que personnellement je suis persuadé que l’implication d’un jeune dans la pratique d’un sport d’équipe offre une occasion d’apprentissage pareille à nulle autre.

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