16
Mai/21
0

La retraite attendra pour Benoît Émond

Revue de presse

Jean-François Tardif, le 16 mai 2021

Benoît Émond, Capitales de Québec

Le jour où il a décidé de mettre un terme à sa carrière dans le baseball indépendant, Benoît Émond n’a pas accroché son gant pour autant. Presque 14 ans après qu’il ait disputé son dernier match avec les Capitales, il continue d’évoluer dans la Ligue de baseball majeur du Québec. Et même s’il est aujourd’hui âgé de 45 ans, il ne songe nullement à la retraite.

«Tant que je vais être capable de mettre une jambe devant l’autre et de m’élancer, je ne vois pas pourquoi j’arrêterai», lance le natif de Farnham qui a évolué pendant sept saisons avec les Capitales. «En même temps, la vie est tellement pleine de surprises que c’est difficile de savoir vraiment jusqu’à quand je pourrais évoluer. J’ai une copine et on a des projets. C’est certain que si, par exemple, on décidait de se construire une maison dans le bois, ça serait plus difficile pour moi de continuer à jouer au baseball.

«Pour le moment, j’ai encore beaucoup de plaisir à jouer au baseball même si au cours des dernières années, les petits bobos ont commencé à ressortir comme des maux de bras ou des douleurs aux articulations. Ça me prend plus de temps qu’avant à me réchauffer. Il faut que je fasse plus attention à mon corps au niveau de la préparation. Quand on vieillit, on perd de la souplesse. Mais tant que j’aurai du fun et tant que mes autres projets ne viendront pas entraver ma carrière de baseballeur, je vais continuer à jouer. J’aime me retrouver avec la gang de gars. Je considère que c’est un privilège que de compétitionner encore à mon âge. Et j’ai bien hâte que la prochaine saison commence même si on ne sait pas encore comment ça va fonctionner.»

Photo ci-dessus : Presque 14 ans après avoir terminé sa carrière avec les Capitales de Québec, Benoît Émond passe toujours une partie de ses étés sur les terrains de baseball. Il évolue dans la Ligue de baseball majeur du Québec. Après avoir défendu les couleurs des Blue Sox de Thetford Mines, il joue maintenant pour les Expos de Sherbrooke. Et même s’il est âgé de 45 ans, il ne pense nullement à la retraite. (Photo : Photothèque Le Soleil, Patrice Laroche)

C’est avec les Expos de Sherbrooke qu’Émond évolue depuis 2019, Il avait auparavant défendu les couleurs des Blue Sox de Thetford Mines où il avait joué en compagnie de son ex-coéquipier à Québec Michel Simard. Et après toutes ces années, Émond aime toujours autant jouer au baseball et le feeling de se retrouver sur le terrain. Même s’il est conscient qu’il n’a plus les habiletés athlétiques, qu’il n’est plus aussi fort, plus aussi rapide et qu’il ne lance plus la balle avec la même vélocité du temps où il était professionnel, il demeure toujours aussi compétitif.

«C’est mon expérience qui prend le dessus. C’est par exemple le fait d’avoir frappé le volume de balle que j’ai frappées dans ma carrière qui fait que je suis encore capable d’affronter le meilleur lanceur de la ligue et de cogner ses bons tirs».

Le voltigeur gaucher n’a pas caché que la conciliation travail baseball pouvait parfois être compliquée. Il a ajouté que malgré tout il faisait partie, année après année, des joueurs qui disputaient le plus de rencontres en saison.

«C’est certain que je pourrais pas jouer les 32 matchs de l’année. Mais je m’arrange. C’est arrivé que ma copine vienne avec moi lorsque nous jouions la fin de semaine sur la route. Nous en profitions alors pour faire du camping. Mais jouer la semaine, c’est une autre affaire. Descendre à Sherbrooke pour un match quand tu finis de travailler et retourner à Québec tout de suite après parce tu dois te lever à 6h pour aller au boulot, ça rentre dans le corps.»

Un point tournant
Il s’en est fallu de peu pour que la carrière de baseballeur de Benoît Émond prenne un tout autre tournant. Le voltigeur se souvient qu’au terme de sa troisième année avec le programme de l’ABC (Académie de baseball du Canada), il avait décidé de passer à autre chose et d’aller travailler. «Je stagnais, il n’y a plus rien qui se passait pour moi», raconte l’ex-porte-couleurs des Capitales qui, à sa dernière année à l’ABC, avait dû composer avec une blessure au petit doigt, blessure qui avait saboté ses chances de signer un premier contrat dans le baseball affilié avec les Expos de Burlington qui avaient manifesté de l’intérêt à son endroit.

Le jeune athlète ne se doutait cependant pas qu’il allait recevoir un appel téléphonique qui allait changer sa vie. Celui de Flavio Prata, le père de Danny, qui le contactait pour lui demander s’il aimerait aller jouer à Seminole State College (Oklahoma), un collège junior du côté américain où évoluait déjà son fils.

«Pour moi, c’était un rêve qui se réalisait. Je suivais le baseball et les Expos depuis que j’étais tout jeune et j’avais vu à la télévision, alors que j’avais 11 ou 12 ans, les Séries Mondiales de la NCAA disputées à Omaha. À ce moment-là, j’avais eu le sentiment que c’était quelque chose qui m’était accessible et que c’est là que je voudrais jouer plus tard. J’ai donc dit oui à la proposition de Flavio. Et comme je devais me rendre le plus tôt possible à Oklahoma, je me suis arrangé pour trouver les 800 $ nécessaires pour l’achat de mon billet d’avion et je suis parti.»

Émond joua deux ans à Seminole Stage College sous les ordres de Lloyd Simons. Il connut deux très bonnes saisons et fut même nommé All American au terme de sa seconde campagne. Il prit ensuite la direction de l’Université du Texas (Austin) où il évolua pour Augie Garrido. À sa dernière année, il réalisa alors son rêve et prit part à la Série mondiale de la NCAA avec les Longhorns. Et comme il avait connu une très bonne campagne, il avait obtenu la meilleure moyenne au bâton de son équipe, plusieurs, dont ses coachs, lui disaient qu’il avait le potentiel pour jouer pro et croyaient qu’il serait repêché par une organisation des majeures.

«Personnellement, je n’avais pas d’attentes. Je souhaitais être sélectionné mais en même temps, je ne croyais pas que ça pourrait être possible. Le repêchage avait lieu pendant que nous étions à Omaha pour les World Series. Et je n’ai finalement pas été choisi. J’avais été un peu déçu. Et les gars s’en étaient rendus compte. Mais ça n’avait pas affecté mon jeu.»

C’est alors qu’il complétait ses études universitaires qu’Émond fut contacté par Stéphan Bédard qui l’invitait à se joindre aux Capitales au printemps 2001. Mais quelques jours avant le début du camp, il reçut un coup de fil de Jay Ward, le gérant de l’équipe, qui lui dit que ses services n’étaient plus requis à Québec parce que l’équipe avait suffisamment de voltigeurs. Comme Émond avait déjà son billet d’avion en poche, Ward accepta qu’il se présente au camp et il lui promit de lui trouver un poste dans la Ligue Frontier.

«Dans sa tête, je ne ferais pas l’équipe. Mais quand j’ai vu les gars avec qui j’étais en compétition, je me suis dit : “crime, je pense que je suis capable de rester ici”. J’ai connu un très bon camp et Jay Ward est un peu tombé en amour avec moi.»

Émond connut tout un début de carrière avec les Capitales. Après 30 matchs, il frappait pour presque ,400 et il avait volé 26 buts. Ward décida alors de prendre en main les destinées de la carrière du Québécois et il tenta de lui trouver un emploi dans le baseball affilié. Et afin d’attirer des recruteurs à Québec, il changea l’âge du voltigeur dans l’alignement de l’équipe qui passa de 25 à 23 ans.

«Je n’étais pas habitué à jouer à tous les jours et à faire des voyages de 10 heures de route en autobus. C’était une grande adaptation. Et un moment donné, mon corps est devenu fatigué. Il faut ajouter à ça que je ne mangeais pas toujours très bien. Mon rendement a commencé à en souffrir. J’ai toujours été un gars intense et rapide. Dès que tu as une baisse d’énergie, ça paraît tout de suite dans ton jeu. J’ai moins bien frappé et je n’ai volé que quatre buts dans la seconde moitié de la campagne.

«Pendant la saison morte, Jay Ward est parti. Et c’est là que se sont éteints mes derniers rêves de jouer dans le baseball affilié. Ce fut une petite déception, mais sans plus.»

Émond connut sa meilleure campagne avec les Capitales en 2004 alors qu’il frappa pour ,327. Il indique que même s’il n’était plus au sommet de ses aptitudes physiques, son expérience avait pris le dessus ce qui lui avait permis, entre autres, de mieux gérer ses énergies pour performer. Le Québécois joua ensuite la campagne 2005 à Québec et en 2006, il fut échangé à la mi-saison aux Cracker-Cats d’Edmonton, dans la Ligue Northern où il retrouva son œil au bâton.

«J’avais un statut LS 4 et je ne performais pas. L’équipe avait de bonnes chances de gagner le championnat et Michel (Laplante) avait eu une opportunité d’aller chercher Jorge Perez, un lanceur qui avait un statut LS 4. Cette année-là, les Capitales ont remporté le championnat. Même si, avec le recul, j’avoue que je suis très heureux d’avoir vu une autre ligue et que j’ai beaucoup aimé l’ambiance baseball et l’achalandage qu’il y avait dans les stades de plusieurs villes de la Ligue Northern, voir les Capitales gagner, sur le coup, ça m’a fait un petit pincement au cœur. C’est normal. C’est l’inverse qui ne l’aurait pas été. Mais un moment donné, tu comprends que le sport c’est une business et que les organisations doivent prendre des décisions pour gagner. C’est partout pareil. Il y a des gars qui sont échangés et ça n’a rien de personnel.»

Ayant refusé un contrat des Cracker-Cats pour la saison 2007 après avoir longuement pesé les pour et les contre, plusieurs facteurs l’ayant convaincu qu’il était temps pour lui de passer à autre chose, Émond croyait bien que sa carrière dans le baseball indépendant était terminée. Mais en plein été, les Capitales, aux prises avec plusieurs blessés, lui lancèrent un S.O.S.. Sa présence avec l’équipe qui devait durer une semaine se prolongea jusqu’à la fin de la saison.

«Ç'a été un petit baume de revenir, de pouvoir goûter à ça et de jouer à Québec devant nos partisans. Ce fut agréable de retrouver certaines émotions. Aujourd’hui, je n’ai aucun regret. C’est certain, si on m’en donnait la chance de recommencer, il y a des choses que je ferais différemment. Mais je ne regrette rien. Je suis privilégié d’avoir eu la carrière que j’ai eue.»

De retour sur les bancs d’école en 2012 afin d’obtenir un DEP en ébénisterie au CFP de Neufchâtel, Émond a ensuite œuvré pour un artisan spécialisé dans la restauration des édifices patrimoniaux. Il travaille aujourd’hui dans une compagnie de construction qui offre des projets clé en main.

«J’aime mon métier. Notamment parce qu’il me demande d’avoir un esprit d’analyse, je dois lire des plans et faire de la conception, l’esprit vif parce que je travaille avec toutes sortes de machines dangereuses, mais aussi parce que c’est très physique», conclut Émond qui est tombé en amour avec Québec lors de son passage chez les Capitales. Résident Saint-Jean-Baptiste, il dit adorer sa vie de quartier, mais aussi la beauté de la ville et la proximité du fleuve et des montagnes.

+

QUESTIONS/RÉPONSES

Q Point tournant de ta carrière?

R L’appel de Flavio Prata pour me demander si je serais intéressé à aller jouer au baseball aux États-Unis dans un junior college. C’est ce coup de téléphone qui m’a par la suite permis de vivre mes plus belles années dans le baseball. J’ai pu aller dans un collège américain (Oklahoma), un rêve de jeunesse, puis dans une université (Texas) et finalement jouer professionnel dans le baseball indépendant.

Q Personnalité marquante?

R Danny Prata sans aucun doute. C’est grâce à lui si j’ai pu aller jouer en Oklahoma et que tout s’est par la suite enchaîné. À l’époque, il jouait déjà là-bas. Son entraîneur (Lloyd Simons) lui avait demandé s’il connaissait un joueur qui serait à la fois un bon athlète et un bon voltigeur gaucher. C’est là que Danny a pensé à moi et qu’il m’a référé à son coach. Et c’est par la suite qu’il a demandé à son père de me téléphoner. Dans le fond, je dois tout à Danny.

Q Entraîneurs marquants?

R Il y en a plusieurs. Je dirais que Lloyd Simons, à Oklahoma, Augie Garrido, à l’université du Texas, et Jay Ward, avec les Capitales, sont, selon moi, les coachs m’ont appris le plus au baseball.

Q Ce dont tu t’ennuies le plus?

R Ce dont je m’ennuie le plus, c’est vraiment l’ambiance d’un match de baseball l’été à Québec, quand le stade municipal est plein, qu’il fait chaud, que tu sens un petit vent doux, que la lune est pleine dans le champ gauche et qu’elle est rose et que là, tu arrives sur le terrain que tu joues une bonne game de balle.

Q Ce qui ne te manque pas?

R Ce sont longs les voyages en autobus. Surtout que dans mon temps, il n’y avait pas le confort dont les joueurs profitent aujourd’hui. On voyageait dans des autobus très basic. Quand on voulait dormir, on se couchait souvent à terre dans l’allée. Et quand on arrivait à destination après un voyage de 10 heures, on était pas mal ankylosé.

Q Un match mémorable?

R La première fois que mon père m’a amené aux Expos. J’avais quatre ans. C’était à Montréal. Il y avait emprunté la Corvette à mon oncle. Il faisait beau. Je m’en souviens comme si c’était hier. Dans ce temps, il y avait Steve Rogers, Gary Carter, Andre Dawson, Tim Raines et tous ces gars-là qui jouaient pour les Expos.

Q Idoles de jeunesse?

R J’ai beaucoup trippé sur Gary Carter même s’il n’était pas un voltigeur. On sait comment il était. Je trouvais tellement qu’il avait l’air d’avoir du plaisir à jouer. Alors il a toujours été une de mes idoles chez les Expos quand j’étais jeune. J’ai aussi beaucoup aimé Marquis Grissom qui est arrivé à Montréal un peu plus tard.

Q Dans 10 ans?

R Je me vois avec ma blonde dans une petite maison dans le bas du fleuve, pas loin du fleuve, avec mon atelier dans mon garage en train de travailler le bois et de profiter de la vie.

Q Rêve ou défi?

R Je suis une personne qui aime se donner des petits défis et des objectifs à chaque semaine. Mais un plus gros défi, un projet que j’aimerais réaliser, ça serait justement de me construire.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault

Pour lire les autres textes du journaliste du Soleil Jean-François Tardif portant sur des baseballeurs de chez-nous, cliquez sur les liens suivants :

La retraite attendra pour Benoît Émond

Charles Tasiaux: une carrière longue et fructueuse

Reggie Laplante: un homme discret sur son passé

Michel Simard: le baseball dans la peau

Stéphan Bédard: le meilleur des deux mondes

Jean-François Côté amoureux du baseball

Patrick D’Aoust: en payer le prix

Une deuxième chance profitable pour Julien Lépine

La personnalité cachée d'Yves Martineau

Benoît Lavigne: le baseball dans la peau

Le meilleur des 2 mondes pour Dominic Campeau

Sylvain Belzile: un amour qui dure

Le premier amour inoubliable de Martin Lavigne

Commentaires (0) Trackbacks (0)

Aucun commentaire pour l'instant

Laisser un commentaire


Aucun trackbacks pour l'instant