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Trans et joueuse de baseball élite

Victoria Lachance ne voulait pas que son passage d’homme à femme nuise à son parcours sportif

Revue de presse

Arnaud Koenig-Soutière et Jean-Nicolas Blanchet, Le Journal de Québec, le 14 janvier 2019

TROIS-RIVIÈRES - Figurant parmi les meilleurs espoirs de son âge au baseball québécois, Danick Lachance-Plante était prêt à faire le saut et briser tous les tabous. Il est devenu une femme et défendra les couleurs des Aigles de Trois-Rivières de la Ligue de baseball junior élite sous le nom de Victoria la saison prochaine.

La jeune transgenre de 18 ans a amorcé dans les derniers mois une transformation à laquelle elle réfléchissait depuis le début de son adolescence. Elle a suivi des traitements hormonaux, revampé son style vestimentaire et a officiellement changé son nom pour Victoria.

«C’était flou un peu [avant]. À la fin 2017, j’avais confirmé ce que je pensais après plusieurs recherches. Ç’a été assez long. Ce n’est pas quelque chose qui se fait sur un coup de tête», a raconté Victoria en entrevue dimanche.

Photo ci-dessus : Victoria Lachance et son gérant Alexandre Béland, hier, au complexe sportif Alphonse-Desjardins de Trois-Rivières.

Craintes
«Pour certains, ça vient à 18 ans, d’autres plus tôt. Ce n’est jamais facile, peu importe l’âge. Il n’y a pas de mot exact pour définir ça», explique-t-elle.

Le milieu sportif typiquement masculin dans lequel évolue Victoria l’a d’abord freinée dans ses aspirations à devenir ce qu’elle sentait être au fond d’elle. «N’eût été le baseball, je l’aurais fait avant. Quand j’ai su que ça se pouvait, je suis allée de l’avant», lance-t-elle, rassurée par l’attitude du gérant de l’équipe Alexandre Béland.

Depuis que l’annonce de son changement de sexe a été faite à ses proches et à ses coéquipiers, elle se sent plus soulagée que jamais. «Ça fait tellement du bien», souffle-t-elle.

«À chaque personne à qui je l’annonçais, je m’attendais au pire. Comme ça, si le pire arrivait, je n’aurais pas été surprise. Mais au contraire, tout le monde réagit bien», dit-elle.

«Quand tu fais une annonce comme ça, tu as peur de perdre tous tes amis. Moi, je ne pourrais pas être plus chanceuse que ça», estime Victoria, soulignant spécialement le soutien de l’organisation des Aigles à son égard. «Je ne les remercierai jamais assez.»

Quelques «malaises» subsistent avec son entourage, mais elle s’assure de les dissiper sur-le-champ lorsque ceux-ci se présentent. «Quand je sens que l’autre est mal à l’aise, j’essaie de le rassurer. C’est ma job», se dit Victoria, qui pointe aussi les moments où son entourage se trompe en utilisant le genre masculin en s’adressant à elle.

«Ça arrive quand même souvent! Je prends ça en riant. Même ma mère, qui me voit quasiment 24 heures sur 24, se trompe! Je ne peux pas leur en vouloir pour ça», assure-t-elle.

Dans sa «bulle»
Si les discussions entre les joueurs sur le terrain peuvent être acrimonieuses par moment, Victoria est néanmoins certaine que son histoire ne lui nuira pas. Elle avait déjà été la cible de commentaires regrettables au cours de son parcours sportif en raison de son syndrome de Gilles de la Tourette.

«Quand j’embarque sur le terrain, je suis dans ma bulle. Donc, non, ça ne m’inquiète pas. Je ne me suis jamais laissée atteindre par ces commentaires-là. Je fais tout simplement jouer ma game et ça me passe dix pieds par-dessus la tête», lance-t-elle.

ELLE CRAIGNAIT DE PERDRE SA PLACE
Le gérant des Aigles de Trois-Rivières dit avoir rapidement rassuré Victoria quand elle lui a exposé ses craintes de devoir oublier le baseball en raison de son changement de sexe.

«On est derrière elle et ça ne change absolument rien», lance Alexandre Béland, qui l’entraîne depuis cinq ans. Il a d’ailleurs confirmé son poste avec l’équipe, dimanche, quatre mois avant le début de la saison. «Pour Danick, le baseball était toute sa vie. Pour Victoria, c’est la même chose. Sa passion est la même», raconte-t-il.

«Elle m’a demandé si elle devait agir différemment pour l’équipe. Je lui ai simplement dit qu’elle devra mériter son temps de jeu, comme tout le monde», a-t-il lancé.

Parmi les meilleurs
Danick Lachance-Plante a toujours été reconnu parmi les meilleurs joueurs de son groupe d’âge dans la province.

L’arrêt-court a d’ailleurs dominé au niveau midget AAA (16-17 ans) avant de connaître une bonne saison comme recrue à 18 ans, l’an dernier, dans la Ligue de baseball junior élite du Québec.

C’est le meilleur niveau de baseball de la province pour les athlètes de moins de 22 ans.

Le circuit a notamment regroupé des futurs joueurs des ligues majeures comme le receveur des Dodgers de Los Angeles Russell Martin.

«C’est sûr qu’on ne s’attendait pas à ça, poursuit le gérant. Maintenant, on vit avec ça et on continue comme l’an dernier.»

Ce dernier s’est dit impressionné par l’attitude de Victoria.

«C’est un peu spécial, car elle est consciente que ça peut donner un choc de la voir en femme. Mais elle veut rendre tout le monde à l’aise et elle veut surtout que ça reste, comme avant, tout à propos de l’équipe et non de Victoria. [...] Ça démontre une belle maturité», ajoute-t-il.

«Elle ne veut pas être à part du lot. Elle veut juste faire partie de l’équipe», de conclure le gérant.

HEUREUX POUR VICTORIA
«Donnons le crédit à la jeune qui prend sa place dans la vie et qui ne craint pas de le faire, qui ne se cache pas. Je trouve ça formidable [...] On va venir l’encadrer, sans aucun doute. » – Rodger Brulotte, président de la Ligue de baseball junior élite du Québec

«Avant, c’était tabou. Tout le monde se cachait. Maintenant, c’est plus ouvert et c’est pas mal mieux comme ça pour le bien-être de tout le monde. Je lui souhaite juste du bonheur. » – Gaétan Gagnon, son ex-entraîneur au sports-étude baseball à l’Académie des Estacades, à Trois-Rivières

Ça va être une première, alors on va le vivre avec elle. [...] On va faire le nécessaire pour que son parcours se passe le mieux possible [...] Ce n’est pas un enjeu pour nous, tant qu’elle puisse s’épanouir.» – Maxime Lamarche, directeur général de Baseball Québec

«On n’en a pas fait grand cas. C’est sa décision et si elle est contente avec ça, c’est parfait [...] On peut juste être content nous aussi.» – Christopher St-Pierre, coéquipier de Victoria avec les Aigles de Trois-Rivières

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