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Phillippe Aumont souffre d’un trouble déficitaire de l’attention

Revue de presse

Éric Leblanc, RDS.CA, le 27 janvier 2016

Phillippe Aumont

MONTRÉAL – Lorsqu’il se retrouve seul sur le monticule contre les meilleurs frappeurs du baseball, Phillippe Aumont doit puiser au plus profond de ses ressources pour avoir le dessus sur ses adversaires. Le hic, c’est que même du haut de ses six pieds et sept pouces, il ne se battait pas à armes égales depuis le début de sa carrière.

Avec la balle dans ses doigts et la pression sur ses épaules, l’attention d’Aumont faisait défaut si bien que, parfois, le gant du receveur ne représentait plus l’unique cible. L’arbitre, le frappeur ou même les spectateurs prenaient trop de place dans son champ de vision, un peu comme si sa mire n’était pas ajustée.

À l’aube d’entamer une nouvelle étape déterminante de sa carrière, le Québécois de 27 ans a eu l’humilité d’aller chercher de l’aide pour mieux gérer la réalité avec laquelle il doit composer depuis de nombreuses années.

Diagnostiqué d’un trouble déficitaire de l’attention (TDA), Aumont a pris les grands moyens pour que cet obstacle ne se dresse plus entre lui et les puissants cogneurs du baseball majeur.

La confidence est arrivée comme un cheveu sur la soupe, mais à un moment on ne peut plus opportun pour la journée« Bell Cause pour la cause » visant à mettre fin aux préjugés entourant les problèmes de santé mentale.

Intrigué de savoir si le lanceur droitier avait adopté une approche différente pour relancer sa carrière avec l’organisation des White Sox de Chicago après son divorce avec les Phillies de Philadelphie, RDS a reçu cette étonnante confidence de la bouche d’Aumont.

« J’ai eu l’occasion d’essayer quelque chose pour la première fois avec la clinique Neurodezign. Leurs spécialistes travaillent au niveau du cerveau pour améliorer la concentration et l’attention, des aspects importants au baseball », a confié le Gatinois.

Aumont avait été orienté vers cette possibilité par une personne de son entourage et avait conclu que cette avenue ne pouvait que l’aider en réfléchissant à son parcours cahoteux depuis son repêchage au 11e rang en 2007 par les Mariners de Seattle.

« Je me suis aperçu dans les dernières années que j’éprouvais encore des difficultés ici et là à être constant même si je m’entraînais fort, que j’arrivais au camp en grande forme et que mon bras était en santé », a-t-il évalué.

« J’étais donc ouvert à l’idée. Je me suis dit "pourquoi pas?". Je ne peux pas vraiment être perdant de l’essayer. Ça peut juste augmenter mes chances », a poursuivi Aumont.

C’est à ce moment que la neuropsychologue Johanne Lévesque a fait son entrée dans le jeu. La spécialiste du domaine lui a concocté un plan intensif étant donné qu’Aumont était coincé dans son agenda afin d’aller s’entraîner en Arizona auprès d’Éric Gagné et d’autres joueurs.

Dre Lévesque et ses collègues ont d’abord identifié les anomalies électriques à rectifier dans le cerveau d’Aumont pour élaborer un programme approprié. Durant deux semaines, l’artilleur québécois s’est donc soumis à deux procédés : le « neurofeedback » et le « neurotracker ».

Ces méthodes – et d’autres protocoles – sont utilisées par une panoplie d’autres athlètes qui veulent maximiser leurs ressources intellectuelles. Dans le cas d’Aumont, elles avaient pour but d’augmenter les ondes rapides dans son cerveau.

« Pour y arriver, il doit se concentrer sur ce qu’il veut, être attentif. Quand il est concentré, n’importe quel être humain voit ses ondes lentes diminuer et les rapides augmenter; ça se fait automatiquement », a précisé Dre Lévesque au RDS.ca.

Parmi les exercices à effectuer, Aumont devait se concentrer sur une vidéo présentée à lui pendant qu’une musique jouait. Durant ce temps, les réactions de son cerveau étaient scrutées en temps réel et la vidéo s’arrêtait si son attention s’évadait.

« Il n’était pas capable de maintenir son attention vu qu’elle était déficitaire. À travers le processus, il a appris à prendre le contrôle de ses ondes cérébrales et à les normaliser », a simplifié la spécialiste.

Puisque son cas était considéré ni léger ni sévère, le traitement en accéléré ne comportait pas une réussite certaine. Selon les conclusions du Dre Lévesque, Aumont a définitivement réussi un « sauvetage » pour reprendre le vocabulaire du baseball.

« On a obtenu d’excellents résultats. Il est passé d’une anomalie modérée, selon nos critères, à une normalisation complète sauf sur une petite lacune. Pour tout le reste, il est au moins rendu dans la moyenne », a confié son alliée.

« Je n’en revenais pas moi-même qu’on soit parvenu à y arriver en si peu de temps, ce n’était pas assuré que ça fonctionne. »

La discussion – très ouverte – avec Aumont avait eu lieu avant qu’il ne prenne connaissance des résultats, mais il semblait déjà optimiste.

« J’ai déjà vu une différence au niveau de l’attention et pour demeurer être alerte, je sens une différence. Ce sont de petites choses que tu dois avoir sur le terrain de baseball et j’essaie de mettre le plus de chances de mon côté pour passer au prochain niveau », a exposé celui qui aurait aimé atteindre les attentes des Mariners et des Phillies.

Des résultats probants sur le terrain?
Comme il le dit lui-même, Aumont, qui a fait ses débuts au baseball majeur en 2012, a voulu « mettre le plus de chances de son côté » pour parvenir à s’y établir pour de bon avec les White Sox.

Certes, l’univers du sport professionnel ne comporte aucune garantie et les résultats prometteurs récoltés par Aumont ne lui promettent pas un poste avec la formation de l’Illinois.

Tout de même, en se fiant sur son expertise et les progrès réalisés avec d’autres athlètes, Dre Lévesque se dit persuadée de voir une amélioration chez le grand droitier.

« Absolument. Les athlètes éprouvent souvent des problèmes d’anxiété ou d’attention. On arrive à les aider passablement et ils nous consultent surtout pour ça », a exprimé Dre Lévesque, citant notamment l’exemple d’Étienne Boulay qui a consulté sa clinique pour se remettre, avec succès, d’une commotion cérébrale.

En ce qui concerne Aumont, son trouble déficitaire d’attention venait lui compliquer la tâche déjà complexe de viser une mitaine de cuir avec une vélocité de l’élite mondiale contre la crème de son sport.

« Il m’a confié que lorsqu’il regardait vers le marbre, ça lui arrivait de le perdre. Il ne voyait pas juste le gant du receveur, il voyait l’arbitre derrière ou bien le spectateur plus loin. Il avait beaucoup de difficultés à se concentrer sur ce qu’il devait faire. Il avait aussi des ennuis à ne pas se laisser distraire par les gens qui lui criaient après dans les gradins », a décrit Dre Lévesque.

« Certains athlètes ne vivent pas ça, ils peuvent entrer complètement dans leur bulle. Phillippe avait un problème avec ça et ce n’est pas négligeable, ça affectait définitivement ses performances », a jugé la neuropsychologue qui traite la plupart de ses athlètes de manière confidentielle.

Voulant remédier à la situation, Aumont a tenté l’avenue de la médication l’an dernier, mais les médicaments le rendaient plus fébrile. Ça tombe bien puisque l’approche de Neurodezign vise justement à enrayer sinon diminuer la prise de médicaments.

Au bout de la ligne, Aumont apparaît plus en paix que par le passé. D’abord, parce qu’il a tourné la page sur son association infructueuse avec les Phillies, mais aussi puisque le travail effectué lui sera fort utile.

« Ce n’est pas tout le monde qui comprend les difficultés qui peuvent accompagner un trouble d’attention. Les gens me disaient souvent que je ne les écoutais pas. Mais ce n’était pas volontaire, c’est simplement que je partais dans ma bulle. Il y a un problème, une déficience au niveau du cerveau. On a travaillé pour corriger ces faiblesses », a raconté l’athlète au physique imposant qui n'a jamais utilisé cette réalité comme une excuse.

Aumont se rapportera à son premier camp avec les White Sox le 19 février et c’est à ce moment qu’il pourra constater les bénéfices de sa démarche. Pour ce énième camp d’entraînement, il sera encore prêt à lutter avec ses rivaux physiquement, mais aussi mentalement cette fois.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault

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