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Il était une fois Nuremberg

Revue de presse

Bénédicte Rey, Le Soleil, le 19 novembre 2015

Procès de Nuremberg, Bavière, Allemagne

Il y a 70 ans, le 20 novembre 1945, les plus hauts dirigeants du régime nazi comparaissaient à Nuremberg pour l'un des plus importants procès de l'histoire, qui a jeté les bases d'une justice universelle.

Photo ci-dessus : L'ancien numéro 2 du régime, Hermann Göring, discute avec Baldur von Schirach pendant le procès de Nuremberg. Vingt et un des plus hauts dirigeants du régime nazi et huit organisations (dont la Gestapo et la SS) sont au banc des accusés. (ARCHIVES AFP)

Q Qui a été jugé à Nuremberg?

R Vingt et un des plus hauts dirigeants du régime nazi et huit organisations (dont la Gestapo et la SS) sont au banc des accusés. Parmi eux, l'ancien numéro 2 du régime Hermann Göring, l'adjoint d'Hitler Rudolf Hess, le ministre des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop... Un 22e accusé, Martin Bormann, dont on ignore alors la mort, est jugé par contumace.

Ils doivent répondre de complot, crimes de guerre, crimes contre la paix et, pour la première fois de l'histoire, de crimes contre l'humanité.

Nuremberg est un tribunal militaire dont les quatre juges représentent les puissances alliées (États-Unis, Royaume-Uni, URSS et France).

«C'était une justice de vainqueurs. Les Alliés n'ont jamais été jugés pour leurs crimes. Un écueil qu'on a tenté de ne pas répéter par la suite», note Fannie Lafontaine, professeure de droit international pénal et humanitaire à l'Université Laval.

Le 1er octobre 1946, 12 accusés sont condamnés à mort, sept à des peines de prison. Trois sont acquittés.

Q Que représente ce procès?

R «C'est la première pièce à l'édifice de la lutte contre l'impunité, qui vise à considérer que les crimes heurtant la conscience de l'humanité doivent être poursuivis et réprimés», explique la juriste Élise Le Gall, collaboratrice du tribunal sénégalais qui juge l'ancien dirigeant tchadien Hissène Habré pour crime contre l'humanité.

«Nuremberg, c'est, pour la première fois, la reconnaissance de la responsabilité pénale, individuelle pour des crimes internationaux, comme les crimes de guerre. Maintenant, on voit presque ça comme une évidence. Mais c'était une révolution, car le droit international se cantonnait jusque-là essentiellement à des relations entre États», ajoute Mme Lafontaine.

«L'autre principe important qu'a posé le procès est que les dirigeants ne peuvent pas se cacher derrière leur position pour se soustraire à leur responsabilité», poursuit-elle.

Q Quelles sont les suites du procès?

R «Nuremberg a vraiment donné une impulsion. Tant au niveau judiciaire, avec des procès comme celui de Tokyo (1946-1948, procès des criminels de guerre japonais), qu'au niveau législatif, avec une floraison de textes sur les droits internationaux», note Mme Le Gall.

En 1950, la Commission du droit international de l'ONU formule les «principes de Nuremberg». Ils définissent les notions de crimes de guerre, crimes contre la paix, crimes contre l'humanité et affirment que leurs auteurs sont personnellement responsables de leurs actes.

Q Quand ces principes sont-ils mis en application?

R «Pendant près de 50 ans, les tensions est-ouest sont telles qu'on n'arrive pas à obtenir un consensus pour créer une cour internationale. Au milieu des années 1990, la guerre froide est terminée, la géopolitique a changé et, face aux conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda, on retourne à cette idée de responsabilité», explique Mme Lafontaine.

En 1993 est créé le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Suivent le Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994) et le Tribunal spécial pour le Sierra Leone (2002), qui aboutit à la première condamnation d'un ex-chef d'État, le Libérien Charles Taylor.

En germe dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Cour pénale internationale (CPI) entre finalement en fonction en 2002. Installé à La Haye (Pays-Bas), c'est le premier tribunal permanent chargé de la répression des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide. Son premier accusé, le Congolais Thomas Lubanga, a été condamné en 2012 à 14 ans de prison pour l'enrôlement d'enfants-soldats.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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