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Cornouailles, la riviera anglaise méconnue

Revue de presse

Claude Lévesque, Le Devoir, le 27 septembre 2015

Saint-Ives, Cornouailles, Angleterre, Royaume-Uni

Un petit univers semi-tropical aux confins de la Grande-Bretagne ? J’ai longtemps pensé que l’idée d’une riviera anglaise relevait du mythe. Puis j’ai voulu en avoir le coeur net. Le destin, la météo et les divinités celtiques se sont ligués pour me convaincre qu’un tel endroit existe bel et bien.

Après un détour très intéressant du côté de Glastonbury, là où le Moyen ge se confond avec le Nouvel ge, nous sommes partis de Bristol pour nous rendre jusqu’à l’extrémité sud-est du royaume insulaire. Le temps est gris, il pleuvasse.

Photos ci-dessus : Magnifique plage de Saint-Ives. (Photo : Jacques Lanciault 2013)

Au moment précis où le train entre en gare de Saint-Austel, aux limites du comté de Cornouailles, la chaleur est au rendez vous et nous apercevons les premiers palmiers. Croyez-le ou non, nous avons eu droit pendant huit jours à un soleil de septembre parfois cuisant.

Un peu plus loin, il faut changer de train pour aller à Saint-Ives, une charmante petite ville qui accueille les peintres depuis plus d’un siècle et les amateurs de surf depuis un peu moins longtemps. Saint-Ives est bâtie sur une pointe qui fait saillie sur la presqu’île de Penwith.

Pendant le court trajet, un aimable passager nous cède sa place du côté droit de l’allée pour que nous puissions mieux admirer le panorama dont il semble très fier. Le soleil, le sable doré, la mer aux tons turquoise et la vaste perspective rivalisent avec bien des paysages des Antilles ou de la Méditerranée.

Certaines plages de la Cornouailles se comparent à celles de la Californie, d’Hawaï et du Portugal pour la hauteur des vagues certains jours. Le surf a fait son apparition en Grande-Bretagne il y a une cinquantaine d’années grâce à quatre jeunes Australiens qui s’étaient trouvé un emploi de maître-nageur à Newquay.

Si cette ville située à une soixantaine de kilomètres au nord représente la mecque du surf en Grande-Bretagne, Saint-Ives possède aussi une école qui enseigne l’art de chevaucher les vagues, sur une belle plage qui s’étend au pied d’une autre institution locale, le Tate Saint Ives, un musée d’art contemporain.

Nous avons loué une chambre dans un B&B aménagé dans une belle ferme laitière à six milles de Saint-Ives. Le hameau le plus proche, Zennor, se trouve à dix minutes de marche à travers champs.

D’un coté, l’Atlantique bat les hautes falaises, de l’autre se dressent des collines, presque toutes couronnées de dolmens ou de menhirs. Zennor compte une douzaine de bâtiments dont une église, un Musée de la culture populaire et un pub, le Tinners Arms, dont la construction remonte à l’an 1150 !

Le nom évoque le temps où les mines d’étain constituaient une industrie florissante dans la région. Celle-ci a décliné avant de disparaître complètement dans les années 1990. Aujourd’hui, on mise plutôt sur la pêche, l’élevage et le tourisme.

Les visiteurs viennent surtout du reste du Royaume-Uni. Comme cet afflux reste assez limité, la Cornouailles a pu conserver tout son cachet.

On sert au Tinners Arms un excellent fish and chips. À moins de militer pour l’uniformisation mondialisée, on commande l’une des nombreuses bières brassées dans les environs. L’achat local est très valorisé au Royaume-Uni. La Cornouailles, qui exprime discrètement ses revendications identitaires, ne fait pas exception.

Les côtes sont spectaculaires avec leurs falaises qui alternent avec les longues plages de sable blond. Sur un coup de tête, nous avons décidé de franchir à pied les six milles qui nous séparaient de Saint-Ives en longeant le Coastal Path, un sentier géré par le British National Trust. Le spectacle est aussi magnifique qu’accidenté.

Nous n’avions apporté ni eau ni nourriture. Les randonneurs que nous croisons nous déconseillent gentiment de boire l’eau des sources et surtout celle des ruisseaux. Après plus de trois heures, nous réalisons que nous n’avons franchi que la moitié de la distance et devons regagner la route à travers les champs et les broussailles.

Pour la première fois depuis des décennies, nous faisons de l’autostop. Nous avons de la chance. Un jeune homme qui vient de pêcher six beaux bars dans un estuaire nous prend dans sa voiture. Nous apprenons ensuite que nous ne sommes pas les premiers touristes à se montrer téméraires. Certaines personnes ont déjà tenté l’aventure en talons hauts et plusieurs ont dû être secourues à grands frais.

En raison de l’éloignement qui l’a préservée des invasions romaines et anglo-saxonnes, la Cornouailles a connu une histoire particulière et a pu développer une culture qui lui est propre. La langue locale n’est plus guère parlée que par une poignée de locuteurs, mais certains mots du cru y sont encore employés. Il existe d’ailleurs un mouvement autonomiste qui souhaite que la Cornouailles se dote d’un Parlement, à l’instar de l’Écosse, de l’Irlande du Nord et du pays de Galles.

La presqu’île de Penwith, c’est-à-dire la partie ouest du comté, constitue le point le plus occidental de la Grande-Bretagne. On peut quand même pousser un peu plus loin en prenant le traversier jusqu’aux îles Scilly. Cet ancien avant-poste de la puissance britannique a conservé quelques vestiges de son passé turbulent. On y trouve aussi les bureaux administratifs du duché de Cornouailles, dont les titulaires sont nuls autres que le prince Charles et Mme Camilla. Mais l’archipel attire avant tout les amants de la mer et des oiseaux. Il offre en prime cette nonchalance propre aux îles dotées d’un climat doux.

En vrac
S’y rendre. Plusieurs compagnies aériennes desservent la Grande-Bretagne au départ de Montréal. Nous nous sommes rendus en Cornouailles en train. Le réseau britannique offre un service acceptable, sans être un modèle de ponctualité. De Londres, il faut prévoir passer la journée sur les rails. Si on veut louer une voiture dans la région, on a intérêt à réserver d’avance. Sinon, on peut se débrouiller en bus, en taxi (plus facile) ou à pied (méritoire, mais combien agréable).

Le climat de la Cornouailles est semi-tropical, non tropical. Aussi faut-il s’y rendre en été si on veut jouir du soleil et du temps doux.

Se loger.
Les possibilités d’hébergement sont nombreuses et variées, allant de l’auberge de jeunesse aux hôtels de luxe. Il faut réserver assez tôt si on veut séjourner à Saint-Ives ou à Newquay. C’est sur Internet que nous avons trouvé Tremedda Farm, une belle exploitation agricole avec vue sur l’Atlantique, qui loue deux chambres belles et confortables (respectivement 80 et 95 livres l’an dernier). Commencez par consulter le site officiel visitcornwall.com.

Se nourrir.
La cuisine britannique ne vaut évidemment pas celle de la France ou de l’Italie, mais combien de nos restaurants branchés ne proposent-ils pas des fish and chips, du porc effiloché et d’autres spécialités propres aux pubs britanniques, qui les réussissent quand même mieux que leurs imitateurs ? Profitez du poisson qui est presque toujours frais. On trouve des restaurants sympathiques dans les rues proches du port Saint-Ives. À Zennor, on a le choix entre le Tinner’s Arms et un casse-croûte ouvert seulement le midi.

Lire.
Essayez de vous procurer le guide Lonely Planet consacré au sud-ouest de l’Angleterre. Plusieurs des romans de Daphné Du Maurier, ainsi que nombre d’oeuvres inspirées par la légende arthurienne, ont pour cadre la Cornouailles. L’écrivain D. H. Lawrence a séjourné à Zennor pendant la Première Guerre mondiale. Un roman intitulé Zennor in Darkness, écrit par Helen Dunmore, est consacré à cet épisode.

Les dépliants et les affiches sur le tourisme en Grande-Bretagne font peu de place à la Cornouailles. Comme si les Britanniques voulaient garder pour eux ce joyau. On ne peut les blâmer. Si vous vous y rendez et que vous aimez, ne faites pas comme nous, ne l’ébruitez pas ! L’endroit n’en restera que plus sympathique.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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