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Glasgow, la ville qui revient de loin

Revue de presse

Carolyne Parent, Le Devoir, le 4 juillet 2015

Riverside Museum, Glasgow, Écosse, Royaume-Uni.

À l’instar de Cardiff, Manchester et Liverpool, Glasgow se réinvente après avoir été l’un des plus grands centres de construction navale du monde. Bienvenue aux foodies, aux mordus d’architecture et aux « créatifs » en quête d’inspiration !

Photo ci-dessus : La ville de Glasgow s’est embellie par la construction de superbes infrastructures, dont le Riverside Museum, de l’architecte Zaha Hadid, qui ressemble à un électrocardiogramme en 3D. (Photo: Culture and Sports Glasgow)

Il en va des villes comme des hommes : certaines sont vouées à une totale insignifiance ; d’autres ont un destin fulgurant, enchaînant grandeur, décadence et renaissance. Celles-là se font ravaler la façade et on les en félicite, tout en sachant qu’elles auront beau enfouir leurs ongles sales au fond de poches Armani, elles ne berneront personne, leur vécu suintant de partout. Et en ce qui me concerne, voilà précisément ce qui les rend fascinantes.

Photo ci-dessus : La ville de Glasgow s’est embellie par la construction de superbes infrastructures, dont le Riverside Museum, de l’architecte Zaha Hadid, qui ressemble à un électrocardiogramme en 3D. (Photo: Culture and Sports Glasgow)

Prenez Glasgow, la plus grande ville d’Écosse (le tiers de la superficie de Montréal), la plus peuplée avec 600 000 habitants, la plus « col bleu » et la plus « oui » lors du récent référendum sur l’indépendance du pays…

Dès que le royaume écossais s’unit au royaume anglais, en 1707, c’est le pactole pour les marchands glaswégiens. Hé, hé, par ici, le tabac de la Virginie ! Tant et si bien que lorsque sera déclarée l’indépendance américaine, lesdits marchands feront ériger une statue non pas de George III, dans le square qui porte son nom, mais plutôt de Sir Walter Scott ! Belle façon de dire au roi qu’ils le tiennent responsable de leur déconfiture. Sauf que tout n’est pas vraiment perdu pour eux : ils se rabattront sur le coton des Indes…

Profitant de sa situation sur la rivière Clyde et battant le fer de la révolution industrielle, la ville se transforme ensuite en un super centre de construction navale et de sidérurgie, et c’est reparti pour une autre vague de prospérité, qui lui vaudra l’essentiel de son riche patrimoine architectural.

Dans le tartan que forment ses rues s’alignent des masses de grès rouge et blond aussi majestueuses qu’imposantes, qui rappellent parfois celles du Vieux-Montréal. Il y a la mairie victorienne, la bourse gothico-vénitienne, la gare centrale de style Queen Anne, le Kelvingrove Art Gallery and Museum (on dirait une cathédrale) et quantité d’autres constructions élégantes de style georgien, édouardien ou affichant ce Glasgow Style, cet Art nouveau du cru, créé par Charles Rennie Mackintosh.

Mais après la Seconde Guerre mondiale vient l’inexorable déclin. Les chantiers navals et les usines, desquelles étaient sortis des ponts entiers, ferment les uns après les autres. Chômage, désespoir, gangs de rue, l’est défavorisé contre l’ouest fortuné : on connaît la chanson.

Une ville et sa fierté
Glasgow émergera de son trou noir en 1990 grâce au titre de capitale européenne de la culture. On découvre alors sa magnificence architecturale, la vitalité de sa scène musicale et son dynamisme. D’autres événements d’envergure suivront, dont les jeux du Commonwealth de l’an dernier. Cette année, Glas Cu, « cher espace vert » en gaélique écossais, était finaliste au titre de capitale verte de l’Europe.

Chacune de ces candidatures est l’occasion de donner un bon coup de balai dans la ville et de la doter de superbes infrastructures. L’une d’elles, le Riverside Museum, voué aux transports et signé Zaha Hadid, ressemble à un électrocardiogramme en 3D ! Chacune de ces victoires permet aussi à la ville de redorer son blason et à ses citoyens, de retrouver une fierté. « C’est avec la fierté que vient le désir d’embellir son environnement », estime Ann Laird, fondatrice de Friends of Glasgow West, un organisme affilié au Scottish Civic Trust.

West End est bordé par le Kelvingrove Park, une formidable oasis traversée par la rivière Kelvin. Avec ses villas d’époque, sa vieille université (où ont étudié les physiciens Einstein et Lord Kelvin), ses cafés, ses boutiques indépendantes et ses bons restaurants, c’est le quartier le plus désirable de tout Glasgow. « C’est aussi l’un des plus beaux secteurs résidentiels de style victorien d’Europe », affirme Mme Laird.

S’intéressant à l’histoire des immeubles de son voisinage, la professeure de chimie avait affiché le fruit de ses recherches dans la vitrine d’un magasin de sa rue. « Cela a éveillé la curiosité, et de fil en aiguille, de plus en plus de résidants ont voulu en apprendre davantage sur leur maison. »

De cette initiative née il y a 20 ans, il a résulté un livre, des visites guidées du quartier dans le cadre du West End Festival et, surtout, une volonté des citoyens d’entretenir tant leur résidence que leur milieu de vie. D’ailleurs, pendant ma visite, un jeune m’abordera, tracts à la main, pour me causer du prochain nettoyage collectif de la cour d’un îlot !

Une ville et des idées
« C’est une ville vivante, il s’y passe toujours quelque chose », dit Sébastien Dénommée, un Montréalais rencontré au café Avenue G, dont il est le gérant. « Par exemple, dans une vieille église transformée en pub, l’Oran Mór, il y a, le midi, ce qu’on appelle “A Play, A Pie and A Pint”. La pièce de théâtre dure 25-30 minutes, on mange un pâté, on boit un pot, c’est parfait pour l’heure de lunch des travailleurs. »Quelle bonne idée pour redonner une vocation aux églises mal aimées !

Des bonnes idées, il en pleut… Au centre-ville, la rue Buchanan — le fameux « Style Mile » — est piétonne : les promeneurs peuvent ainsi admirer à loisir de beaux spécimens architecturaux. Dans l’est, City Halls et le vieux marché aux fruits ont été reconvertis en salles de concert. Dans Merchant City, d’anciennes halles abritent des pubs. Quant à Finnieston, il n’y a pas si longtemps encore une friche industrielle, il se redéfinit comme le quartier des médias, catapulté il y a six ans dans la branchitude par un resto grand comme une cabine téléphonique, Crabshakk. Quant au secteur gastronomique, il boume carrément (voir encadré En vrac).

C’est d’ailleurs dans un entrepôt désaffecté de Finnieston qu’un autre projet prometteur verra le jour en septembre prochain : Let’s Eat Glasgow ! Fondé par les restaurateurs Carol Wright et Colin Clydesdale, le festival réunira les meilleurs chefs de la ville et des producteurs du pays le temps d’un marché pop-up.

« On va se servir de la perception glamour qu’ont les gens du métier de chef pour les reconnecter à la nourriture saine et au plaisir de cuisiner, dit M. Clydesdale. Il y aura des poissonniers, des bouchers, des chocolatiers, du bétail, des démonstrations culinaires, le but étant de promouvoir de meilleures habitudes alimentaires. »

Glasgow n’est pas parfaite, tant s’en faut. Il y a de vilains trous dans sa trame. On y décrie les inégalités sociales et l’espérance de vie de sept ans inférieure à la moyenne nationale. Mais il semble bien que les Glaswégiens se prennent en mains et n’attendent pas que les idées viennent « d’en haut ». Comme le claironne le slogan de la ville,« People Make Glasgow ». À plus d’un titre.

Carolyne Parent s’est rendue à Glasgow à l’invitation du Glasgow City Marketing Bureau.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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