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Cinq perles méconnues de l’ex-Yougoslavie

Revue de presse

Gary Lawrence, Le Devoir, le 26 octobre 2013

Rovinj, Croatie

Scindée en plusieurs républiques dans les années 1990 et 2000, l’ancienne Yougoslavie regroupe toujours un éventail particulièrement impressionnant de cités, souvent vénitiennes, parfois patriciennes, toujours empreintes d’une éminente joliesse. En voici cinq triées sur le volet en Croatie, au Monténégro et en Slovénie.

Entre les XIIIe et XVIIIe siècles, Venise a dominé la côte adriatique, de Trieste (Italie) jusqu’à l’actuelle Albanie. De cette ancienne république maritime, les 47 kilomètres de front de mer slovène comptent encore de nos jours trois villes aux forts accents vénitiens : Koper (Capodistria), Izola et surtout Piran, un réel enchantement architectural.

Photo ci-dessus : Rovinj (Croatie), la plus belle ville de la péninsule d’Istrie. (Photo Gary Lawrence)

Située aux confins de la Croatie, Piran a pris son essor et connu son âge d’or grâce aux salines limitrophes de Strunjan, Venise étant particulièrement friande de sel à l’époque de son omnipuissance.

Aujourd’hui classée monument historique, Piran, avec ses 4000 âmes, vivote paisiblement entre deux irruptions de touristes venus se rincer l’oeil dans cette micro-Venise sans canaux, avec badauds et cerclée de remparts flanqués de palmiers.

Les ogives trilobées dignes du palais des Doges y abondent, les ruelles aux roses pastels nous téléportent dans la Sérénissime et la place centrale, Tartinjev trg, est hérissée d’un campanile qui se prend - avec succès - pour celui de la place Saint-Marc, de l’autre côté de l’Adriatique. Depuis ses hauteurs se découpe en contrebas le joli havre cerclé de toitures de tuiles qui évoquent celles de Dubrovnik, dans le sud de la Croatie.

Mais, malgré toute la finesse de son cadre vénitien, Piran - dont le nom provient du grec pyr, « le feu » -, n’enflamme jamais autant les passions que Rovinj.

Rovinj, Croatie
À moins d’une heure de route au sud de Piran, Rovinj peut sans doute prétendre au statut de plus belle ville d’Istrie, cette péninsule en forme de coeur accrochée tout en haut de la Croatie et qui s’étend aussi, en partie, en Slovénie et en Italie.

Car, si Piran fleure bon la Cité des Doges, Rovinj embaume toute la pièce avec ses innombrables venelles étriquées, ses placides placettes, ses envoûtants passages voûtés, ses arcades qui ne font jamais sourciller et ses murs juste assez décrépits pour qu’on les épie sans jamais verser dans le dépit.

Elle aussi pourvue d’une vieille ville compacte (Stari grad) où rugissent à crocs que-veux-tu les lions de Venise, Rovinj s’étend cependant sur une plus grande superficie, ce qui fait davantage durer le plaisir de fouler du pied ses pavés lustrés, qui incurvent leur fuite vers les hauteurs de cette presqu’île ovale et légèrement bombée dont les devantures décaties doivent bien accuser cinquante nuances d’ocre.

Épargnée par les bombardements alliés durant la Deuxième Guerre mondiale, Rovinj jouit aujourd’hui d’un cadre intact particulièrement inspirant, assez pour que des armadas d’artistes l’aient prise d’assaut, comme on s’en rend vite compte sur Grisian, l’artère des galeries d’art.

Et du haut du campanile de Sainte-Euphémie, qui paraît lui aussi avoir été extirpé de la Sérénissime, on admire les mêmes tuiles rouges-orangées qu’à Piran et Dubrovnik, mais aussi la Cité des Doges elle-même, dont la silhouette se profile au loin par temps clair - comme pour rappeler d’où origine Rovinj.

Perast, Monténégro
Ça, une ville vénitienne ? Une rue, oui. Infime bled tout riquiqui lové au creux d’un cadre absolument spectaculaire - les sublimissimes et dantesques sommets anthracite des bouches de Kotor -, l’indolente Perast ne souffre pas des hordes de croisiéristes qui débarquent dans la baie voisine, celle de Kotor, précisément.

S’il est moins impressionnant que sa grande soeur Kotor, cet ancien repaire de corsaires n’en demeure pas moins éminemment agréable à investir à pied, un oeil sur les façades décaties de ses 17 églises, moult palazzi et autres demeures patriciennes, un autre oeil sur l’île de Notre-Dame-du-Récif et son église à la coupole azur, assoupie devant le détroit de Verige.

Dans le musée de cet inspirant lieu de culte érigé en 1424, on peut encore admirer une étonnante oeuvre de Jacinta Kunic. Pendant 28 ans, cette Pénélope monténégrine espéra le retour de son mari parti en mer. Pour tuer le temps et sans doute pour s’attirer les grâces divines, elle broda une icône de la Vierge en utilisant ses propres cheveux blonds… qui devinrent bientôt gris, décolorés par le désespoir. Car jamais son mari ne revint, et c’est elle qui finit par le rejoindre en passant de vie à trépas.

Kotor, Monténégro
Qu’on approche de Kotor en franchissant la succession des fabuleuses baies qui forment ses bouches ou qu’on débouche sur cette prodigieuse cité après avoir franchi l’un des vertigineux cols qui l’entourent, le résultat est le même : on a droit à un fichu coup de poing en pleine tronche dès lors qu’on en découvre le site.

C’est encore tout groggy de cette tourneboulante entrée en matière qu’on traverse l’une des quatre vénérables portes de cette ville agglutinée au pied de falaises aussi hautes que renversantes, et dont les 4,5 kilomètres de murs d’enceinte s’élèvent vers le ciel, 1426 marches et 280 mètres plus haut.

Dans cet espace intra-muros, on ne se lasse pas des murs ocres noircis par l’épreuve du temps, de la patine violacée des dalles pavant des artères débouchées et exemptes de voitures, des passages dérobés sous les devantures ici baroques, là médiévales, des parois vermoulues et du lumineux calcaire rosâtre de la cathédrale romane Saint-Tryphon, qui jure avec les efflorescences tavelant les pierres grises des murailles.

Fondée sous les Byzantins, fortifiée au Moyen-Âge et dominée par Venise, l’ancienne Cattaro est aujourd’hui classée sur la Liste du patrimoine de l’UNESCO. Maintes fois conquise et agenouillée par les séismes, elle fut reconstruite pendant 20 ans après le monstrueux tremblement de terre de 1979. Aujourd’hui, on ne peut que lui souhaiter que cette maxime, inscrite par Tito sur la Porte de la Mer, continue de la caractériser : « Ce qui est aux autres, on n’en veut pas ; ce qui est à nous, on ne le donnera pas. »

Ljbuljana, Slovénie
Menue, minime et surtout si mignonne, Ljubljana doit peut-être son manque de notoriété à l’enchevêtrement imprononçable des lettres qui forment son nom. Pourtant, s’il est une exception dont pourrait souffrir l’insupportable expression « secret le mieux gardé », c’est bien la croquignolette capitale slovène - du moins sa vieille ville.

En la présence rassurante de Grajska Planota, une montagne qui trône en son centre et qui est coiffée d’un château fortifié, la métropole culturelle et économique de Slovénie forme un envoûtant maelström de courants architecturaux. Ceux-ci s’entremêlent délicatement le long de la Ljubljanica, ravissant canal qui traverse la vieille ville et qu’enjambent le célèbre Triple pont et le pont des Dragons, l’une des réussites du maître slovène de l’Art nouveau, Jože Plečnik.

Il y a quelques années, l’un des projets de ce « Gaudi des Balkans », interrompu par la Deuxième Guerre mondiale, a finalement vu le jour. Le pont des Bouchers permet désormais aux piétons d’accéder au marché central avec une touche moderne : une charpente de granit, des sculptures tarabiscotées et un plancher transparent, amalgame posthume du concept originel et de la réalité actuelle.

Mais si de telles réalisations récentes - comme le nouveau musée d’art contemporain inauguré en 2011 - renouvellent cette ville créative, allumée et paisible de 300 000 âmes (dont 50 000 étudiants, au bas mot), c’est son florissant passé qui interpelle avant tout.

Baguenauder dans ses venelles aux pavés serrés permet ainsi de saisir tantôt un chouia de Prague, tantôt un ceci de Salzbourg, voire un cela de splendeur baroque italienne, que ce soit en levant le nez en l’air ou en gardant les deux pieds sur terre, avant d’investir l’un des innombrables cafés, entre quatre murs ou en terrasse.

Dominée par les Habsbourg, minée par un séisme en 1511, occupée par Napoléon puis par les Italiens et les Allemands durant la Deuxième Guerre mondiale, la « petite princesse de Slovénie » s’est aussi vue quelque peu diminuée par des décennies de triste architecture titiste en son pourtour. Mais en son centre, elle mérite toujours son nom slovène, dont certains disent qu’il signifie « la bien-aimée ».

EN VRAC

Transport. Selon la destination choisie, Air France/KLM et Swiss, entre autres transporteurs, relient Montréal à Ljubljana, Zagreb (Croatie) ou Belgrade (Serbie), via Paris, Amsterdam ou Zurich. Montenegro Airlines relie aussi Podgorica à plusieurs villes européennes.

Croisières. L’une des meilleures façons d’admirer la plupart de ces villes est de s’embarquer à bord d’un navire de croisière. Plusieurs compagnies naviguent régulièrement en mer Adriatique durant l’été.

Quand y aller. Bien que certaines de ces destinations se visitent encore en novembre, mieux vaut attendre le retour du printemps et de la belle saison, de mai à octobre.

Guides. Entre autres éditeurs, Lonely Planet et Le Petit Futé publient des guides en français sur la Croatie, le Monténégro et la Slovénie ; GéoGuide, Évasion Hachette, Voir, National Geographic et Le Guide du routard couvrent aussi la Croatie (toujours en français) ; et il existe un Cartoville sur Ljubljana.

Renseignements: slovenia.info, tzgrovinj.hr, perast.com, tokotor.met, visitljubljana.com.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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