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Les Pouilles : omniprésente, la pierre donne un goût au blé, à l’olivier, au raisin même
NDLR : Jean-Marc Lechat, un des accompagnateurs de Voyages Lambert, a pour habitude au cours des voyages qu’il accompagne de distribuer aux voyageurs de nombreux textes de fonds relativement aux villes visitées durant l’expédition. Ce fut encore le cas lors du périple en « Autre Italie » de l’automne 2012. Voici un des textes qu’il a distribué et qui, selon nous, résume assez bien notre incursion dans les Pouilles.
Texte de Crobs Reportage, août 2011, photo de Jacques Lanciault
Quel souvenir emporte le voyageur de cette découverte de l’extrême sud de l’Italie? La pierre. La pierre qui parle, chante, enchante. Pierre rugueuse des champs de la Murgia, ce plateau karstique âprement cultivé au centre des Pouilles. Pierre du Salento, à la pointe de la botte, qui donne un goût particulier au blé et donc à la farine, à l’olivier, au raisin même. Pierre des forteresses souabes, des cathédrales romanes élevées au bord de la mer… Pierre baroque de Lecce, un calcaire au grain fin, douce au marteau du sculpteur, complice de la profusion du décor des palais, des églises, peu perméable aux intempéries d’ailleurs rares ici. Pour un enchantement immédiat, remonter de Bari, où l’on a atterri, vers le nord. Forteresses souabes et basiliques du roman apulien, au bord de l’Adriatique, enchantent l’esprit à Barletta, Trani et Molfeta. Pour le baroque, il faudra attendre un peu. Prémices à Barletta avec des palais ouvragés, à Molfeta avec la cathédrale de l’Ascension.
Photo ci-dessus : L’imposante cathédrale de Trani au bord de l’Adriatique
Photo ci-dessus : Les pierres des trulli d’Alberobello.
Ayant rendu justice à Alberobello, à la densité impressionnante de ses trulli occupés en majorité par des boutiques, gagner Locorotondo, ravissante ville, dédale de ruelles médiévales pavées, blanchies à la chaux. Remarquer, via Morelli, la porte baroque du palais éponyme, fenêtre à balcon et balustrade en fer gonflée comme une poitrine d’oie, baroque. Du belvédère, la vue s’étend jusqu’à Martina Franca et sur les trulli épars dans la campagne, grappes blanches et toits coniques en pierre grise. Puis s’éloigner pour comprendre ce nom, Locorotondo, « lieu rond ». Au-dessus des oliviers et cultures en terrasse, la courbe des maisons blanches enferme la petite ville et les clochers de ses églises. Rejoindre alors Martina Franca et suivre la piazza Roma et la piazza Immacolata où s’épanouissent timidement les accessoires baroques : balcons rouillés, frontons et moulures des fenêtres en pierre plus sombre. La Collegiata di San Martino (1747) avec ses frontons brisés, ses statues pâmées, ses pilastres à chapiteau corinthien et le saint sur son cheval entouré d’anges aux ailes déployées : le baroque se met timidement en mouvement, il éclatera de toute sa splendeur à Lecce.
Photo ci-dessus : La cathédrale de Tarente.
Après ces petites villes de la Murgia – du latin murex, pierre —, plateau karstique au centre des Pouilles, où les hommes ont cultivé la terre après en avoir retiré les pierres dont ils ont fait des murets, descendons, au sens propre, vers la mer Ionienne et Tarente, au creux du golfe du même nom. La cathédrale San Cataldo affiche une double appartenance, roman apulien sur la face latérale, baroque sur sa façade, commençant à privilégier la courbe. Aidée en cette évolution par la pierre tendre, le carparo, où les artisans cisèlent des feuilles, des fruits, élèvent des frontons brisés, ouverts comme une respiration, une aspiration vers le ciel en un concept de « largo respiro ». Le plafond baroque présente à l’horizontale la statue en bois doré de la Vierge et de San Cataldo, regard dirigé vers le bas. À droite, le Cappellone, la chapelle des nobles, baroquissime avec ses murs entièrement recouverts de marbres de couleur et sa coupole ovale en trompe-l’œil.
Photo ci-dessus : Une façade en pierre calcaire comportant de nombreuses sculptures.
Voici maintenant dans le Salento, le sud des Pouilles, Gallipoli, la « belle ville ». La cathédrale Santa Agata, XVIIe, baroque, annonce Lecce. Sur les arcs ouverts de la Renaissance sommeillent des angelots. À l’intérieur, partout des peintures enveloppant les murs, le chœur, le plafond même, et cette pierre rose sculptée par des artistes locaux. Si elle n’a pas encore la finesse de Lecce, elle en apparaît d’autant plus émouvante.
Photos ci-dessus : Devant le sanctuaire Santa Maria di Leuca… un obélisque surmonté d’une statue de la vierge et tout à côté, un phare !
La côte adriatique, d’Otrante à Santa Maria di Leuca, déroule un maquis assez sauvage : rochers tombant dans la mer, petites baies et tours normandes. Leuca, où se rencontre les deux mers, Ionienne et Adriatique, se résume à un phare, à une statue de la Vierge sur une colonne au milieu d’une grande place et d’un café servant rafraîchissements et puca, un délicieux sandwich mince et grillé.
Photo ci-dessus : Superbe mosaïque de la cathédrale d’Otrante.
Otrante fut conquise par les Turcs en 1480. Huit cents personnes qui avaient refusé d’abjurer furent enfermées dans la cathédrale et décapitées. Alfonsell d’Aragon reprit la ville l’année suivante, construisit le château et renforça les citadelles alentour. La cathédrale fut dédiée aux huit cents martyrs. Derrière sa façade au baroque modéré, elle est réputée pour sa mosaïque (1163) couvrant toute la nef centrale et représentant l’Arbre de Vie. D’inspiration naïve avec des animaux fantastiques inspirés par l’imaginaire byzantin.
Texte transcrit et publié par Jacques Lanciault.
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