Juin/120
Une œuvre d’art… où l’on soignait les malades : l’hospital de la Santa Creu i Sant Pau !
Texte et photos de Céline et Jacques Lanciault
Voici le 15e d’une série de reportages relatifs à un superbe périple qui nous a menés à Barcelone en Espagne… puis dans le sud de la France au printemps 2012!
Barcelone, Espagne, vendredi 27 avril 2012 – Une visite tout simplement époustouflante ce matin! Le tour guidé d’un hôpital ayant compté 27 bâtiments, dont 16 pavillons médicaux spécialisés interconnectés par des galeries souterraines et entourés de jardins! Une véritable ville dans laquelle les malades et le personnel médical profitaient d’un environnement agréable et naturel!
Ce centre hospitalier, l'Hospital de la Santa Creu i de Sant Pau, recevait des patients jusqu’en 2009! Aujourd’hui, ce vaste ensemble, classé à la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, est en restauration. L'objectif des restaurateurs est de lui rendre son apparence initiale… parce qu'en plus de 80 ans de pratiques médicales, évidemment les lieux ont largement été modifiés!
Photo ci-dessus : « L’Hospital de la Santa Creu i Sant Pau » est une autre réalisation des architectes modernistes de Barcelone! Ici, l’architecte Domènech i Montaner a livré un complexe somptueusement décoré, créant ainsi un environnement capable de réconforter les patients!
Pour agrandir les photos, il suffit de cliquer sur celles-ci.
Déjà notre septième journée à Barcelone. Nous profitons d’un agréable petit-déjeuner à la chambre pour revoir le programme de la journée, les météorologues catalans prévoyant des averses sur la capitale aujourd’hui.
Nous quittons l’appartement à 9 h 05 en direction de la Plaça Catalunya, histoire de renouveler nos « Barcelona Cards », un investissement important à 94€ chacun, mais un « placement » qui se révélera encore une fois rentable.
Dès 9h30, munis de nos nouveaux laissez-passer, nous reprenons le métro pour nous rendre à l’hôpital de la Santa Creu y de Sant Pau.
Nous nous présentons dans un hôpital tout ce qu’il y a de plus moderne, nous questionnant même sur l’à-propos de notre visite. Mais, une charmante employée de l’hôpital nous indique que l’objet de notre visite est probablement l’ancien Hospital de la Santa Creu y de Sant Pau, celui qui a été fermé depuis 2009! Elle nous indique la direction. Gràcies!
Et voilà, après une courte marche nous arrivons devant le site d’un gigantesque chantier de restauration! Nous entrons là où il y a une roulotte, comme il y en a toujours sur ce type de lieu. Nous y pénétrons.
Cette roulotte n’est pas pour les ouvriers oeuvrant sur le site, elle abrite plutôt les bureaux des guides responsables de la visite des lieux.
Il est 10 h 10 et nous sommes chanceux, une visite en français doit se mettre en branle sous peu. Nous réservons nos places, même si la personne qui nous accueille nous précise que la visite sera incomplète en raison des travaux en cours. Il nous en coûte 10€ par personne et contrairement à la plupart de nos visites de la dernière semaine, nous n’avons droit à aucune réduction avec notre « Barcelona Card ».
Toutefois, au verso de notre billet on peut lire, en français, la note suivante : « Félicitations! Vous venez de contribuer à la réhabilitation de l’enceinte historique de l’Hôpital de Sant Pau, patrimoine de l’humanité! » Notre conscience sociale est heureuse!
On nous remet un dossard, une résille et un casque de construction que nous enfilons avant de sortir pour prendre quelques photos
Photo ci-dessus : Déjà « chargée comme un mulet » avec son sac, son manteau, son foulard, son chandail enroulé autour de la taille, son parapluie, son cahier et ses crayons pour prendre des notes, Céline doit ajouter à son attirail de visite, un « joli » dossard orange et un « ravissant » casque de construction vert olive!
Notre guide nous rejoint à l’extérieur à 10 h 40 et nous entrons dans une pièce où sont exposées des photos et des cartes des lieux. Nous sommes un groupe de huit personnes.
D’entrée de jeu, notre guide, qui se prénomme Gonzalo, nous précise que nous allons visiter « l’Hôpital de la Sainte Croix et de Saint-Paul », l’hôpital le plus ancien de Barcelone, une institution qui a soigné des malades sans interruption depuis le moyen-âge. « De fait, précise-t-il, l’établissement existe depuis 1401. »
« Depuis 1997, l’ensemble de l’ancien hôpital est inscrit à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO », précise fièrement, Gonzalo!
Il y a des panneaux de photographies des lieux et notre guide nous les explique. Il nous indique le pavillon de la chirurgie, le cloître, le pavillon pour les hommes, celui pour les femmes et le pavillon de la Méditerranée, pour les projets d’avenir.
Photo ci-dessus : Voici une photo de l’entrée principale de l’ancien « Hospital de la Santa Creu i Sant Pau », avant sa fermeture en 2009, un cliché retrouvé sur Internet.
Un hôpital depuis le XIIIe siècle
Et notre guide poursuit : « Au XIIIe siècle, l’hôpital de Barcelone était situé dans la vieille ville, à l’intérieur des murailles de la cité. Il résultait de la fusion de tous les petits hôpitaux de la vieille ville. La population ayant augmenté rapidement en cette fin de moyen-âge et des industries s’étant installées dans les murs, en un rien de temps sont apparues pollution et insalubrité entraînant dans leur sillage épidémies et décès.
L’hôpital fut maintes fois rénové, mais ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les murailles de la ville furent détruites, permettant alors une meilleure circulation de l’air et la réduction des épidémies. »
Photo ci-dessus : Notre guide Gonzalo, nous apprend qu’au XVIIIe siècle, lorsque les murailles de Barcelone furent détruites, la ville s’agrandit, les anciens villages qui gravitaient tout autour devenant de nouveaux quartiers de Barcelone, comme celui de Gracia, où se trouve notre hôtel!
Un centre hospitalier moderne pour amorcer le XXe siècle
Et, de nous raconter notre guide passionné : « Il faudra toutefois attendre la fin du XIXe siècle et le début du XXe avant que l’hôpital ne déménage sur un nouveau site. En fait, la nouvelle construction fut érigée sur un terrain cédé par un riche banquier célibataire décédé en 1896, Pau Gil i Serra.
Il fut donc décidé de construire un tout nouvel hôpital au nord-ouest, isolé de la ville, puisque sis à 2 km de celle-ci. Ce faisant, on souhaitait réduire les risques d’infection. Le nouvel établissement prit le nom de l’ancien hôpital l’Hospital de la Santa Creu, auquel il fut ajouté la référence au saint patron du donateur du terrain. L’hôpital devient donc : l’Hospital de la Santa Creu i Sant Pau. »
Et de poursuivre Gonzalo : « C’est l’architecte Domènech i Montaner, un contemporain et un rival d’Antoni Gaudí, qui hérita du projet. Il proposa alors des installations réparties entre 48 pavillons reliés par un réseau de passages souterrains, conçus pour protéger les patients contre les intempéries, le tout dans un style moderniste et art nouveau.
Le pavillon principal fut construit entre 1905-1910, orienté vers le nord, en fonction de la lumière du jour. Le nouvel hôpital se voulait moderne. »
« En bref, soutient notre guide, ce ne sont que 27 pavillons qui furent construits, mais chacun de ceux-ci est unique et différent des autres. Le grand architecte moderniste y implanta un style éclectique tant dans les vitraux, les sculptures, les gargouilles, les frises et les bas-reliefs, tous de styles différents. »
Finalement, nous sortons et amorçons notre promenade sur le site. Notre guide est intarissable.
Des styles les plus divers
Photo ci-dessus : La flèche de l’édifice principal de l’hôpital… comme celle d’une église.
Photo ci-dessus : Une mosaïque sur un des murs extérieurs… Saint-Martin cédant la moitié de son manteau à un mendiant!
Photo ci-dessus : Des constructions jamais monotones.
Photos ci-dessus : Des fenêtres lumineuses.
Photos ci-dessus : De nombreuses sculptures où les artistes ont œuvré durant des heures et des heures!
« À l’ouest, nous précise notre guide, le bâtiment était réservé aux femmes, celui de l’est était pour les hommes. Chacun d’eux comptait sur un petit pavillon d’urgence. »
« Chacune des sections intérieures de l’hôpital, ajoute-t-il, était regroupée en fonction du type de maladie des patients. »
Nous entrons dans le pavillon qui était réservé au patient masculin. Nous voyons la façade d’un bâtiment annexe avec des murs de mosaïques représentant des paysages de Paris, dont notamment le Panthéon!
Sur un des murs, nous pouvons admirer une mosaïque montrant le banquier Paul Gil chez un notaire cédant sa fortune à la ville de Barcelone.
Photo ci-dessus : Une autre mosaïque met en scène un évêque en train de bénir la première pierre de la construction de l’hôpital.
Photo ci-dessus : Nous croisons ce petit arbre tout en boutons de fleurs.
Photo ci-dessus : Chaque pavillon a son château d’eau, des chefs-d’oeuvre de décoration.
Photo ci-dessus : Les édifices comptent sur une généreuse fenestration.
« Le nouvel hôpital a été inauguré en 1930 », lance notre guide. « Peu de temps après la guerre civile a éclaté et l’hôpital est devenu un établissement prodiguant des soins aux soldats. Le fonctionnement initial a alors été modifié. »
Notre guide nous montre un tableau illustrant le plan de l’hôpital tel que conçu par Domènech i Montaner.
Photo ci-dessus : Une photo de la maquette du projet présenté lors du concours visant à trouver un architecte.
« Seulement la moitié du plan du célèbre architecte a été réalisé… car c’était trop immense et qu’il y a eu de nombreuses divergences de visions entre Montaner et ceux qui commanditaient le projet, c’est-à-dire la famille Gil et l’église!
Ce fut d’ailleurs la dernière œuvre de Montaner, une œuvre pour laquelle il n’a pas été payé par l’évêque. La cour, en dernier recours, ayant donné raison à l’église dans sa poursuite contre Montaner. Ce dernier fut alors contraint d’abandonner le projet.
Pourtant, Montaner avait imaginé un véritable bijou, un hôpital efficace et surtout autonome. Au nord, il y avait des jardins avec leurs potagers. À l’est on devait construire une centrale électrique avec des générateurs. Cela n’aura finalement pas été nécessaire avec l’avènement de l’électricité dans la ville. À la place, on a plutôt bâti un pavillon de convalescence. »
Photos ci-dessus : Un des meilleurs exemples du modernisme catalan.
Photo ci-dessus : Avec un incontournable… la présence constante de la religion.
Photo ci-dessus : Domènech i Montaner était un grand connaisseur des blasons. Il en a même conçu un pour l’hôpital.
L’Église
Nous sortons quelques instants des limites du chantier pour nous rendre à l’église du centre hospitalier, elle qui a été réalisée par un des fils de Montaner et qui est toujours ouverte à la population du quartier. Nous y entrons.
Photo ci-dessus : C’est une église bâtie sur un plan basilical, sans transept, et de style néo mudéjar.
Il y a deux très belles chaires en albâtre. L’une d’elles s’affiche avec le symbole de Saint-Marc, l’autre avec celui de Saint-Paul.
Photo ci-dessus : La chaire dédiée à Saint Marc!
L’autel original a été brûlé pendant la guerre civile par les anarchistes. Il y a encore de beaux vitraux arts déco.
Photos ci-dessus : D’immenses colonnes et de beaux vitraux.
Nous sortons de l’église et poursuivons notre visite du site en restauration. Une restauration qui vise à redonner aux édifices leur aspect original.
Au cœur du complexe érigé par Montaner
« L’ancien couvent se trouve au milieu du site », lance Gonzalo. Sa façade est celle d’une église baroque. Elle date de 1733.
Photos ci-dessus : Une façade baroque avec, en son centre, une sculpture représentant Santa Marta, la patronne des cuisines!
« D’ailleurs, précise notre guide, jusqu’il y a deux ans, ce bâtiment abritait la cafétéria du centre.
Nous croisons les restes d’une usine où la chaufferie et les briques ont été réutilisées ailleurs dans l’hôpital.
« Le pavillon pour femmes est décoré d’une statue de la Vierge à l’entrée, tandis que le pavillon des hommes affiche les statues de Saint Manuel et de Saint Raphael, en référence au nom de deux mécènes impliqué au projet », commente notre guide.
Et il ajoute : « Le pavillon de la chirurgie a été construit avec une salle semi-circulaire, et ce, pour faciliter les cours d’anatomie. »
Photo ci-dessus : Une haute cheminée et en arrière-plan, un des édifices de l’hôpital moderne ouvert tout récemment. Le nouveau centre hospitalier a été construit au nord de l’ancien, là où se situaient jadis les jardins potagers.
Nous voyons le pavillon de la pharmacie et nous entrons dans une nef, d’origine médiévale, où l’on soignait les malades.
« C’est ici que prenaient place les malades. »
« Durant les travaux de restauration, les ouvriers découvrent souvent des vestiges d’époque derrière des murs refaits au fil des ans.
Photos ci-dessus : Les murs et les plafonds sont en arcades et il y a des mosaïques aux motifs floraux sur les carrelages.
Nous descendons un peu plus. Là nous sommes vraiment au cœur du chantier de construction.
On nous montre plusieurs photos d’époque de la construction, des clichés datant du début du XXe siècle… en arrière-plan, nous pouvons apercevoir la Sagrada Familia en construction!
Photo ci-dessus : Notre guide attire notre attention sur ce radiateur!
Photo ci-dessus : Puis, sur une photo datant des années 1950, il nous montre une salle accueillant les malades… où l’on peut apercevoir le même type de radiateur.
Nous ressortons et passons devant le pavillon Léopold Gil, le neveu de Paul, qui, sur l’immeuble est représenté comme un évêque… de là une autre dispute de Montaner avec l’église.
Photo ci-dessus : Lépopold Gill immortalisé en évêque!
Nous terminons la visite à 12 h 30, et même là, notre guide ne cesse de nous donner d’autres informations, notamment sur les monuments à voir à Barcelone par nous-mêmes. Il nous donne même une carte avec l’inventaire des œuvres modernistes. Un passionné avons-nous dit!
La visite qui devait durer 1 h 15… s’est étirée sur presque deux heures!
Nous quittons les lieux à la recherche d’un restaurant, mais en cours de route nous croisons le pavillon des convalescents!
Photos ci-dessus : Le pavillon des convalescents et ses coupoles multicolores!
À suivre…
Le musée d’histoire de Barcelone!
Photo ci-dessus : Le « Museu d’història de Barcelona » est situé à l’intérieur de la Casa Padellàs, un ensemble architectural impressionnant de la Plaça del Rey!
Bibliographie
Atlas en fiches, Barcelone, Éditions Atlas, 2008;
Encyclopédie libre Wikipédia, Barcelone, Las Ramblas, Antoni Gaudí, Îlot de la discorde, Antoni Tàpies et une foule d’autres pages;
Guide Lonely Planet, Barcelone, Damien Simonis, Lonely Planet, 2011, 308 pages;
Barcelone Viva, Géocolor, 2011, 128 pages.
Casa Batlló , Dos de Arte Ediciones, 2010, 111 pages.
Gaudì, toute l’architecture, Taschen, 2005, 238 pages.
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