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Août/07
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« Tout comme les joueurs, je rêve d’atteindre un jour les ligues majeures» – Mathieu Moisan

Un Québécois arbitre chez l’oncle Sam au sein de la ligue des recrues de la Gulf Coast League

Texte de Jacques Lanciault

Mathieu Moisan dans son uniforme et avec sa casquette de la GCL.Fort Myers – Floride, le 31 juillet 2007 – Les jeunes arbitres lorsqu’ils gravissent les échelons de l’excellence, partagent-t-ils le même rêve que les joueurs d’œuvrer un jour dans les ligues majeures? « C’est certain », répond sans la moindre hésitation Mathieu Moisan, le seul Québécois qui, pour l’heure, exerce son métier au sein d’une ligue de baseball professionnel affilié aux Ligues majeures (Major League Baseball). Mathieu en est à sa première saison, cet été, au sein de la ligue des recrues de la Gulf Coast League (GCL), un circuit où actuellement évoluent cinq joueurs québécois, Kevin Denis-Fortier, Jonathan Forest, Josué Peley, Guillaume Leduc et Maxime Bouchard.

N. B. — Pour agrandir les photos, il suffit de cliquer sur celles-ci.

En plus de partager le même but que les joueurs, les arbitres, Mathieu en tête, suivent sensiblement la même filière pour arriver au sommet de la pyramide. « Les ligues mineures sont le seul et unique tremplin pour accéder aux majeures et je crois que quiconque se retrouve un jour sur un losange des mineures, rêve du sommet » ajoute Mathieu, lui qui au terme de sa première saison au sein de la Ligue de Baseball Élite du Québec a été élu l’arbitre de l’année.

« Notre parcours est à toute fin pratique semblable à celui des joueurs. Il faut gravir les échelons un à la fois, passant des ligues de recrues aux ligues de niveau A comportant des saisons de courtes durées, pour par la suite être promu dans des circuits de calibre A, puis A moyen, A avancé, AA et finalement AAA », nous précise le jeune homme originaire de Stoneham tout près de Québec.

La période d’apprentissage des arbitres est cependant beaucoup plus longue que chez les joueurs commente Mathieu : « Les joueurs très talentueux vont parfois gravir très rapidement certains échelons. Pas chez les arbitres. Il faut compter en général entre six et sept ans pour atteindre le niveau AAA, niveau au sein duquel les superviseurs d’arbitres des ligues majeures commencent à nous regarder plus sérieusement. Mais, il faudra attendre un autre cinq ans avant d’enfin pouvoir apposer notre signature au bas d'un contrat d’arbitres à temps complet dans les grandes ligues. Mais rien n'est garanti. Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus. »

Pour arriver à être sélectionné au sein du personnel d’arbitres de la GCL, Mathieu a participé en 2006 à l’Academy of professionnel umpiring de l’ex-arbitre des ligues majeures Jim Evans. Cette école forme les arbitres pour le baseball professionnel. Mathieu a terminé premier parmi les 118 stagiaires, ce qui lui a permis d’être invité à participer au camp de sélection de la Professionnal Baseball Umpire Corporation (PBUC).

Mathieu Moisan concentré sur le jeu, comme il se doit!Cet organisme fournit les arbitres pour les ligues mineures de baseball professionnel. Il faut savoir qu’il existe deux écoles d’arbitres qui forment des officiels pour les pros: celle de Jim Evans et celle de Harry Wendelstedt. Le PBUC sélectionne les 25 meilleurs de chacune des deux écoles. Ceux-ci sont alors classés de 1 à 50. Mathieu a fini premier de cette sélection et s’est donc mérité un contrat professionnel pour l’année 2007.

La GCL : une école pour les joueurs, tout comme pour les arbitres
Souvent lorsque l’on parle des équipes des ligues mineures on utilise l’expression « club-école ». Cette expression s’applique à la lettre aux équipes de la GCL. On y enseigne le baseball, et ce, tout comme aux premières années du midget AAA au Québec. C’est du moins l’impression que j’en ai eue cet été, alors que j’ai assisté à plusieurs rencontres.

Mathieu confirme effectivement mon impression en précisant également que l’enseignement s’applique tout autant aux officiels qu’aux joueurs. « La Gulf Coast League est effectivement une ligue de développement pour les joueurs. Mais, elle l'est tout autant pour les arbitres. Ce circuit nous donne l'opportunité de vraiment améliorer l'aspect technique de notre travail, et ce, sans avoir à nous casser la tête avec les gérants et les instructeurs. Et ce, même si plusieurs de ceux-ci ont un bagage plus qu’intéressant dans la business et que leur expérience est importante. Généralement, ils nous laissent travailler en paix. C’est certain qu’ils vont sortir de leur abri pour avoir des explications sur des règlements, mais rares sont ceux qui rouspètent sur la zone de prises ou sur nos décisions dites de jugement. »

En plus d’avoir l’occasion de travailler sans trop se préoccuper des humeurs des entraîneurs, les arbitres qui oeuvrent au sein de la ligue des recrues ont l’occasion de travailler souvent. « Je suis d’office pour cinq ou six parties par semaine. La division Nord a un calendrier plus normal que les deux autres divisions. On y joue six jours par semaine et les dimanches sont des journées de congé. Dans les divisions Est et le Sud, par contre, il y a jour de congé aux quatre jours. Le reste du temps est libre. Contrairement aux joueurs, nous n’avons pas de séances d'entraînement reliées à notre job. Mais, oui on s'entraîne tous en gymnase pour garder la forme, mais ce n’est pas prévu par la ligue. »

Mathieu Moisan se questionne sur ce qui peut se passer sur le prochain lancer, question d'être prêt à toute éventualité.Avec de tels horaires, on pourrait penser que les officiels bénéficient de beaucoup de temps libre et qu’ils peuvent profiter à plein des délices de la Floride. Mais ce n’est qu’une illusion, comme nous le précise Mathieu : « On ne sort pas vraiment beaucoup, puisque les matins arrivent assez vite et qu'on doit être au parc une heure avant le début des matchs qui, pour la plupart, commencent à midi. Et puis, il y a le transport pour nous rendre aux parcs. Il faut compter 30 minutes pour le terrain le plus près et un peu plus d’une heure pour les autres. »

Des évaluations au rendement très importantes
Comme au sein du baseball amateur, la supervision des arbitres en action est plus utilisée pour classer ceux-ci selon leur rendement sur le terrain, plutôt que pour les aider à s’améliorer. « Nous sommes évalués quatre fois durant la saison, deux fois lorsque nous sommes au marbre et deux autres fois sur les buts. C'est la seule forme d'évaluation que nous avons. C'est également la note que l’on nous attribue qui décide de notre “ranking” de fin de saison; le classement qui servira pour les promotions de l'année suivante. Inutile de dire que ces évaluations sont très importantes et que notre rang au sein du groupe l'est tout autant », de faire remarquer Mathieu.

Pour ce qui est des améliorations à apporter à leurs façons de travailler, c’est entre eux que les arbitres s’évaluent. « En dehors des évaluations pour notre classement, on s'autocritique, nous-mêmes, ou avec l'aide de nos partenaires. On discute souvent entre nous de déplacements, de gestes mécaniques, de règlements, etc. Ça nous aide à rester éveillés sur les différentes situations qui pourraient survenir », d’enchaîner Mathieu.

Comme on le voit, le travail d’arbitre est un travail d’équipe, et ce, même si la plupart des amateurs de baseball sont plutôt enclins à penser que les officiels sont des gens solitaires. « Notre travail est loin d'être un travail solitaire. En fait, c'est tout le contraire, c’est un travail d'équipe remarquable » signale celui qui a commencé à arbitrer en 2002 à l’âge de 15 ans.

Et il s’explique : « Faites le calcul: lors d’un match, c'est généralement 30 joueurs contre 30 joueurs. Nous, nous ne sommes que deux pour tout gérer. Je ne saurais mettre assez d'accent sur combien il est important de bien s'entendre avec son partenaire et de bien communiquer avec lui durant un match. »

D’ailleurs, durant toute la saison, Mathieu est entouré de ses partenaires. Ils voyagent en groupe de cinq. « Ici en Floride, ils sont ma seule famille », de concéder Mathieu.

L’arbitrage : peut-on en vivre?
Tel que mentionné précédemment, les arbitres qui atteindront les ligues majeures le feront au mieux après dix à douze ans d’apprentissage dans les ligues mineures. On peut donc se demander si, en arbitrant dans les ligues mineures un jeune peut en vivre sans avoir à exercer un autre emploi. Mathieu nous éclaire sur cette épineuse question : « La paye n'est pas faramineuse, mais elle n'est pas mauvaise non plus. Au niveau “rookie”, en incluant nos indemnités quotidiennes pour les déplacements et les repas, notre salaire s’élève à environ 2 400 $ par mois. Évidemment, notre logement est inclus », précise Mathieu. « Mais, nous ne pouvons pas en vivre douze mois par année. C'est pourquoi il me faut généralement me trouver un emploi pour les mois de septembre à décembre. »

Même si la saison au sein de la Gulf Coast League s’amorce à la mi-juin, Mathieu est en Floride depuis le début d’avril. Il y était même en janvier et février, puisqu’il agissait comme instructeur à l’Academy of professional umpiring de Jim Evans. Mais, ce ne sont pas tous les jeunes arbitres qui ont cette chance comme il nous le précise : « J'ai "callé" mes premières balles au mois d'avril. J'ai en effet passé deux mois au camp d’entraînement prolongé (Extended Spring Trainning Camp), soit du 8 avril au 6 juin. Une assignation de la sorte aide beaucoup. Je peux déjà voir une bonne différence avec ceux qui viennent tout juste de commencer leur saison.»

C'est important d'être en forme, car parfois il faut bouger rapidement.« À partir de l'an prochain, je devrais prendre part à la fois au camp d’entraînement printanier, au camp d’entraînement prolongé et à la saison régulière. Et avec un peu de chance, j'aurai peut-être même une invitation pour l'instructional League, invitation que je n’ai pas reçue cette saison en raison de la date d’échéance de mon permis de travail. Bref, il y a moyen d’œuvrer dans ce métier presque dix mois par année. »

Évidemment, il faut maîtriser parfaitement la langue anglaise… et supporter la chaleur
Si chez les joueurs, il est possible de se débrouiller sans maîtriser parfaitement la langue anglaise, il en est tout autrement chez les arbitres. Ceux-ci doivent parler parfaitement l’anglais. « La langue n'est heureusement pas un problème pour moi », de souligner Mathieu. « Je suis parfaitement bilingue. Je n'aurais jamais pu accéder aux rangs professionnels sans cet atout. Je n'aurais pas non plus percé à l'école d'arbitres. Il faut être parfaitement en contrôle de la langue anglaise pour pouvoir dialoguer avec les gérants, les entraîneurs et les joueurs. »

Finalement, une des difficultés qu’a dû affronter Mathieu à sa première saison chez les pros, est la chaleur. « Au début de la saison, la chaleur m’accablait. Je dirais qu’aujourd’hui, je m’en accommode, mais je crois que dans le fond, on ne s'y habitue jamais vraiment. Au sortir du terrain, on pourrait croire que j'ai pris une douche tout habillé. Mais bon, c'est un coup à donner. Les ligues plus nordiques avec de bonnes foules, c'est pour bientôt! »

C’est ce que nous lui souhaitons de tout cœur.

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  1. Bonjour M. Lanciault,

    il n’y a pas à dire, vous nous manquez cette saison pour vos articles, mais je suis bien heureux de voir à quel point vous profitez de la vie. Ma copine (Isabelle Paris) m’a fait découvrir votre blog et c’est avec joie que je le parcours. Je viens de lire l’article sur Mathieu et je le trouve vraiment fantastique. Le manque de temps ne m’a pas permis de conduire une telle entrevue au cours de l’été, mais je demandais si vous pouviez m’accorder les droits pour que j’affiche votre article dans la section arbitre du site de Baseball Québec. Les arbitres de baseball au Québec et moi-même vous en serions très reconnaissant. Merci et passez une bonne fin d’été.

    Au plaisir de vous croisez sous peu.

    Philippe Lamoureux

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