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Revue de presse : Les clips des chefs

Blogue de Paul Roux Les amoureux du français.

Blogue de Paul Roux « Les amoureux du français », Cyberpresse, le vendredi 30 mars 2007

«Au cours de la campagne électorale, écrit Jacques Lanciault, plusieurs lecteurs et quelques journalistes ont utilisé le mot pour désigner des paroles prononcées par des chefs de parti. Cependant, je ne trouve nulle part de définition me précisant le sens de ce mot, autre que celle l’associant à vidéoclip, une relation qui, me semble-t-il, n’est pas appropriée dans le contexte des phrases-exemples mentionnées ci-dessous. Pourriez-vous me renseigner?»

Exemple : « À force de voir Mario Dumont livrer ses clips, avec chaque fois son petit rire adolescent… ». La Presse, le 4 mars 2007.

Exemple : « … mais ils ne sont pas au cœur des préoccupations des chefs trop occupés à sortir clips et lapins. » Josée Boileau, Le Devoir, 17 mars 2007.

Moi aussi, je ne crois pas que le mot clip décrive bien ces phrases-chocs que lancent avec habilité certains de nos politiciens. Car les clips vidéo, généralement bourrés d’effets spéciaux, évoquent bien plus des images que des mots. Le grand Robert emploie plutôt la locution pour décrire une «formule-choc prononcée dans un contexte politique».

- Les petites phrases des hommes politiques.

- Les phrases politiques d’un week-end d’élections.

- « (…) les dernières bisbilles provoquées par la dernière petite phrase du moment » (Libération, 17 nov. 1983).

On pourrait aussi parler de phrases assassines ou de sous-entendus assassins.

Et vous, avez-vous une suggestion?

Le vendredi 30 mars 2007, Georges Léonard

Que pensez-vous de phrase-punch?

Le vendredi 30 mars 2007, Yvon Thivierge

Pourquoi pas « charges » pour désigner ces phrases assassines comme ces petites bombes que M. Lagacé envoie un peu partout sur son blogue? Après tout, ces petites salves verbales n’ont-elles pas pour but d’éliminer l’adversaire?

Le vendredi 30 mars 2007, Yvan Efraissard

En anglais on en est à parler des “sound-bites” conpactes et concises que les hommes et femmes politiques enregistrent pour les nouvelles radio-télévisées. Pourrait=on en dériver un équivalent français comme “boutade, répartie ou capsule audio, médiatique ou sonore” ?

Le vendredi 30 Mars 2007, Yvon Thivierge

Je ne comprends pas vraiment le sens de clip ; est ce que cela pourrait être l’équivalent de piques dans l’expression «lancer des piques» ?

Parole caustique, prononcée pour blesser, piquer au vif. Lancer des piques à qqn.

Le vendredi 30 mars 2007, Pierre A

Dans mon commentaire ci-dessus, il aurait fallu lire “compactes” (cataractes oblige) et “nouvelles radio-télédiffusées”. Perso, j’opte jusqu’ici pour “capsule médiatique” ou “capsule audio-visuelle”.

Passé est l’heureux, court, temps où l’Internet nous apportait instantanément l’équivalent français recherché. Jusqu’à ce que les maisons d’édition décident d’en retirer leurs ouvrages linguistiques pour ne pas sombrer dans la faillite financière.

Le samedi 31 mars 2007, Pierre A

À mon avis, “clip” est un bon équivalent de “soundbite”, et s’offusquer de son emploi relève de l’immobilisme linguistique. D’abord employé en français pour désigner les vidéoclips musicaux, ce terme désigne aussi, à l’ère Youtube et des fichiers Windows Media, RealAudio et Quicktime, tout fichier audiovisuel montrant un court extrait. Il peut s’agir d’une scène d’un film ou de quelques secondes d’une entrevue à la télévision. En anglais comme en français, clip renvoie simplement au monde du montage, où les “clips” sont les parties découpées d’images saisies avec une caméra, qu’on transforme en produit audiovisuel à l’aide des techniques de montage. Quand on dit que Mario Dumont est “le roi de la clip”, on veut dire qu’il fait des déclarations susceptibles d’être retenues au montage et d’être diffusées durant les émissions d’information ou sur le Web. Comme “clip” a déjà été emprunté à l’anglais et qu’il évoque particulièrement bien le processus médiatique que tout politicien doit savoir utiliser avantageusement, je crois qu’il devrait être accepté et que les dictionnaires ne tarderont pas à en entériner l’usage.

Le samedi 31 mars 2007, Velero

Une précision : j’aime bien capsule médiatique ou audiovisuelle. Cependant, clip est déjà très présent dans l’usage pour désigner exactement la même chose. Quant aux autres suggestions, elles ne sont pas très pratiques ni évocatrices. Un extrait retenu pour les nouvelles ou les fichiers audiovisuels n’est pas nécessairement une “petite phrase” ou une “phrase assassine”. Îl me semble que ces suggestions sont inutilement péjoratives.

Le dimanche 1 avril 2007, Yvon Thivierge

Le roi de la formule ou encore le maestro de la formule choc. Il y a deux concepts ici, les formules chocs, les phrases en tant que telles, qui sont excellentes pour les courts clips qu’on présente des politiciens aux actualités télévisées. À mon avis, l’usage du terme clip est donc erroné dans les exemples donnés par M. Lanciault car ces personnes référaient plutôt aux formules chocs, vides de substances à leurs yeux. Mais, en bon politicien ou journaliste, utiliser clip avec ce sens erroné donne justement beaucoup plus de force à leur propre tentative de formule choc. Dénoncer ce qu’ils perçoivent comme du populisme par du populisme ; l’art de la joute oratoire quoi.

Le dimanche 1er avril 2007, Marie Charron

J’ai comme l’impression que nos braves suggestions vont subir le même sort que les “perles” que nos organismes linguistiques comme la SRC et l’OLF ont proposées au bon peuple qui les a tout simplement rejetées et continue de manger des “hamburgers” plutôt que des “hambourgeois”, écouter leur “walkman” plutôt que leur “baladeur” (”somnanbule” n’a eu aucune chance), tourner leur cd et non leur disque audio-numérique et j’en passe et des meilleurs.

Pendant que nous attribuons à “clip” un sens nouveau, les anglos délaissent son sens original de “videoclip” pour l’étrange “trailer” dont le lourd équivalent français “bande-annonce”, en revanche, semble avoir pris aussi bien au Québec qu’en France.

Le dimanche 15 avril 2007, Marie Charron (Ontario)

Lorsque Mario Dumont émaille ses discours de “petites phrases”, il ne sort pas des clips. Ce que certains désignent par “clip” au Québec, c’est ce que les médias en font après, des petites phrases en question.

Selon moi, pour traduire “soundbite”, il faut commencer par chercher du côté du mot “formule” (Expression concise, nette et frappante d’une idée ou d’un ensemble d’idées). Les “petites phrases” des politiciens sont bien des formules, tout y est : la concision, la netteté, la force d’impact. Et on dit bien de quelqu’un qu’il est “le maître de la formule”.

On parle aussi de “formule publicitaire” pour désigner les slogans de la publicité. Or, le slogan, ce CRI DE GUERRE (voir l’étymologie), formule concise et frappante, est aussi utilisé en propagande politique…

Quant à l’expression “petite phrase”, pour désigner les “formules-chocs prononcées dans un contexte politique”, pourquoi la rejeter d’emblée ? Sa définition ne correspond-elle pas à celle de soundbite : “a short sentence or phrase that is easy to remember, often included in a speech made by a politician and repeated in newspapers and on television and radio” (Cambridge Online Dictionary)?

Une autre définition, tirée d’un dictionnaire spécialisé (domaine de la télévision), est plus restrictive : “Soundbite : In a news package, a short piece of audio that was recorded on location.” On voit que soundbite, de terme spécialisé est devenu mot de la langue courante et que, ce faisant, sa définition s’est élargie et correspond maintenant à la notion de petite phrase.

Pour ma part, je l’aime bien “petite phrase”, parce que j’y vois une référence non seulement à la concision de l’expression, mais aussi à la minceur du propos. Une petite phrase n’est pas (toujours) une grande phrase. En ce sens, elle traduirait bien la connotation péjorative de soundbite que l’on trouve dans la presse anglophone où ce mot est très souvent synonyme de manque de substance.

Adopter « petite phrase” c’est éviter la création d’un néologisme inutile (clip) et c’est aussi risquer d’être compris ailleurs dans la francophonie (à l’article “soundbite”, le dictionnaire français-anglais Robert & Collins ne donne-t-il pas “petite phrase” comme équivalent ?).

Pour ce qui est du mot “clip”, il me semble appartenir à un registre de langue plutôt familier. “Le roi de la clip”, ça fait très “roi de la patate”, vous ne trouvez pas ? Comparez avec “le maître de la formule”, nettement plus relevé.

Il est vrai qu’à “petite phrase” manque l’attrait de la nouveauté. “Clip”, ça fait jeune, ça fait dans le vent, ça fait nouvelles technologies. Et les anciens mots, comme les vieilles personnes, on préfère ne plus les voir. Ils nous ennuient avec leurs histoires. On les relègue, les uns au dictionnaire, en attendant d’en être totalement éliminés, les autres dans les maisons de vieux. “Clip”, c’est tellement plus accrocheur, surtout s’il s’agit de vendre des journaux. Et de ne pas trop en demander à son lecteur. Tiens, il me semble être d’accord avec Velero sur ce point.

Bien amicalement,

Remplis sous: La folie des mots Mots clés:
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