24
Déc/06
0

Le diagnostic tombe… et cette maudite peur qui s’installe!

C'est avec beaucoup de fieté que je publie aujourd’hui le premier d'une série de textes forts émotifs écrits par ma sœur Louise et portant sur les difficiles combats qu’engendre un diagnostic de maladie grave. Un amalgame de mots qui font réfléchir, ça c’est certain! - Jacques Lanciault

Texte de Louise Lanciault

Une photo de Pierre que je trouve belle. Nous étions sur la côte ouest des États-Unis et Pierre était particulièrement heureux...Nous, notre 11 septembre personnel a eu lieu le 11 avril 2006. Ce jour-là, Pierre a appris qu’il était atteint d’un cancer de la prostate très agressif…

C’est avec le souffle coupé qu’on est sortis du bureau du médecin. Tous les deux accrochés l’un à l’autre comme à une bouée de sauvetage. On a descendu les escaliers à pied, les larmes aux yeux, en silence.

Ci dessus, une photo de Pierre que je trouve belle. Nous étions sur la côte ouest des États-Unis et Pierre était particulièrement heureux...

N. B. — Pour agrandir la photo, il suffit de cliquer sur celle-ci.

Dehors, Pierre a grillé une cigarette. Ses doigts tremblaient, en fait, il tremblait de tous ses membres. J’ai cru qu’il allait défaillir…Il s’est tenu debout, comme seul un Bisson en détresse est capable de le faire… mais il était anéanti. Je n’avais jamais eu l’occasion de le voir dans un tel état.

J’étais à ses côtés, consciente de la gravité de la situation. Je savais qu’il m’appartenait désormais de le soutenir, de le supporter dans cette aventure imprévue…Le hic, c’est que j’étais aussi démunie que lui. J’avais les jambes molles. Je ne disais rien. Il n’y avait sans doute rien à dire. Je l’ai pris dans mes bras et j’ai serré aussi fort que mes forces me le permettaient…Il avait de la brume dans les lunettes…Il tentait de marcher la tête haute, dans la dignité… mais le cœur était sens dessus dessous...

C’est toujours en silence qu’on a marché le long de la rue l’Assomption. C’était une journée magnifique, une des premières journées de printemps. L’herbe commençait à verdir. Nous nous sommes laissés choir sur le gazon du parc Maisonneuve. Nous avions l’air aussi désorientés que deux baleines échouées sur une plage. Pierre a fumé une deuxième cigarette. Je ne l’ai pas réprimandé comme je l’aurais, sans doute fait en d’autres circonstances. Non, je réalisais que tout avait déjà changé. J’avais la certitude que cette journée passerait à l’histoire pour chacun de nous comme un moment de désespoir intense, de panique immense et de tristesse infinie…

On a l’impression qu’une locomotive nous est rentrée dedans à pleine vitesse sans qu’on l’ait vu arriver cependant, the show must go on, comme on dit. Il faut rentrer à la maison. Faire face à notre fils, qui sera là, et qui me demandera, comme à chaque soir, ce qu’on mange pour souper…On tourne le coin de la rue, on aperçoit Pier-Olivier qui lave son auto. Il fait beau, il vient tout juste d’avoir 20 ans et il est si fier de son auto…

Devant nos mines déconfites, il comprend qu’il y a quelque chose de pas normal qui est en train de se passer. J’éclate en sanglots. C’est Pierre qui lui annonce la nouvelle. Pier-Olivier est nerveux, il fait des efforts pour ne pas pleurer devant nous. Il ne sait pas quoi dire, pas quoi faire…Son attitude m’attendrit.

On tente en vain de se mettre une bouchée dans l’estomac, mais ça bloque dans la gorge. Le « motton » est loin d’être passé. Pierre décide d’appeler les filles et ses frères et sœurs pour les informer de ce qui lui arrive en ce beau mardi soir.

Il éclate. C’est désolant de le voir pleurer au téléphone, la boîte de kleenex et le paquet de cigarettes posés devant lui. C’est pathétique…Je pleure aussi, mon café à la main. Je devine la réaction des interlocuteurs de Pierre à partir des bribes de conversation que je réussis à comprendre. Tout le monde semble sous le choc de la nouvelle. Certains n’ont pas l’air de savoir quoi dire, d’autres se veulent rassurants. Il y a des conversations assez courtes, d’autres qui se prolongent. Pierre ne se possède plus, il tente de répéter les paroles du médecin, mais déforme le tout en présentant les informations pêle-mêle. Ceux qui posent des questions ne reçoivent pas de réponses claires, mais comprennent combien grand est le désarroi de Pierre devant ce qui lui arrive. Pour ma part, je constate que Pierre n’a pas vraiment entendu les informations que lui a transmises le doc, il a juste saisi la gravité de sa maladie…

Les jours qui suivent sont particulièrement difficiles. Pierre ne dort plus. L’angoisse le tient réveillé ou le réveille en pleine nuit. Il est alors tout en sueur, il dit qu’il fait des cauchemars effroyables…Il a peur. Une peur profonde. La nuit, cette peur est encore plus grande, amplifiée par la solitude et la noirceur…

Il a peur de mourir, de ne pas être à la hauteur, de quitter ceux qu’il aime…C’est tout mêlé. Il en parle enfin… je crois que ça le libère. Nous pleurons ensemble, mais en même temps, nous nous sentons si proches l’un de l’autre… un peu plus forts du fait qu’on est deux…Une chanson me vient en tête « … et s’il m’arrivait de tomber, c’est elle qui me relèverait… » Voilà ma mission, si humble soit-elle. Je dois être forte, je dois être présente sans être trop achalante…Mon Dieu, donnez-moi la sagesse de bien doser les choses, je vous en prie…Je l’aime tant…

Je me sens dépassée par les événements. Ils sont plus grands que moi. Je me sens « minusque ». On dit que l’amour peut faire de grandes choses…Mais, bon Dieu par quel bout faut-il prendre ça? Ma porte de sortie est d’en parler, ce sera ma planche de salut!!!

En en parlant à un collègue qui était particulièrement sensible à la situation du fait qu’il a lui-même vécu un cancer, il m’a rappelé les paroles d’une chanson de Gilles Vigneault : « le temps qu’on a pris à dire je t’aime est le seul qui nous reste au bout de nos jours… ». Je connaissais bien sûr la chanson, mais j’avoue que le texte ne m’avait pas « frappé » auparavant. Désormais, je n’oublierais jamais cette phrase que je trouve vraiment inspirante… Merci Robert!

À suivre...

Remplis sous: Textes de LouLou Mots clés:
Commentaires (0) Trackbacks (0)

Aucun commentaire pour l'instant

Laisser un commentaire


Aucun trackbacks pour l'instant