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Passeport pour la mort : les unités de soins palliatifs

On y meurt (encore) naturellement!

Texte Karine Bernard, Anne Émilie Brisson, Isabelle Fontaine et Jacques Lanciault

Montréal, 8 octobre 2021 — Le responsable de la gestion de l’unité de soins palliatifs (USP) d’un centre hospitalier de Montréal vient de recevoir le rapport quotidien des besoins de lits des autres services de l’hôpital : hématologie 2 lits, gynécologie 1 lit, pneumologie 1 lit. Nonchalamment, il jette un coup d’œil sur le moniteur de son ordinateur, lequel présente la liste des occupants de l’USP. En regard de chacun des noms de patient, une date est inscrite : la date maximale d’espérance de vie. D’un clic, il accède à son gestionnaire de tâches et donne instruction au médecin de garde d’enclencher le processus de fin de séjour des patients numéros 2, 5, 6 et 8, c’est-à-dire ceux dont la date maximale d’espérance de vie est la plus imminente. Puis, il avise ses collègues des services d’hématologie, de gynécologie et de pneumologie, que son unité pourra accueillir, aujourd’hui, cinq nouveaux patients!

De quoi frémir, non! Vision apocalyptique, inhumaine, voire fataliste du mode de gestion appliqué dans le futur dans nos centres hospitaliers? Peut-être, mais les rumeurs actuelles relatives à la pratique de l’euthanasie combinées à la croissance des coûts du système de santé et au vieillissement de la population laissent entrevoir que l’euthanasie pourrait devenir avant longtemps un des outils des gestionnaires de la santé. De s’en servir pour « faire de la place », il n’y a qu’un pas qu’il faut espérer que nos dirigeants éviteront de franchir.

L’émergence des unités de soins palliatifs
Depuis une vingtaine d’années, le nombre d’hôpitaux québécois offrant à leur clientèle des unités de soins palliatifs s’est multiplié à un rythme effréné. Au début des années 80, à peine trois centres hospitaliers québécois offraient de telles unités. Au tournant du siècle, la majorité des grands hôpitaux en sont dotés. Malgré tout, seulement 5 % des personnes qui pourraient bénéficier de ces services en reçoivent. Ces unités regroupent des patients atteints de maladies incurables, en transit immédiat pour l’au-delà. Aujourd’hui, semble-t-il, la mort y arrive naturellement, mais pour combien de temps encore?

Le Petit Robert définit l’expression « soins palliatifs » comme des soins qui atténuent les symptômes d’une maladie sans agir sur sa cause. Donc, des traitements qui ne permettent pas de guérir, mais qui contribuent à apaiser la souffrance. Conséquemment, lorsqu’un patient reçoit son passeport pour ces lieux, la fin du voyage approche. Autant pour les patients que pour leurs parents, les unités de soins palliatifs sont clairement perçues comme des antichambres de la mort, et pourtant là aussi les listes d’attentes foisonnent.

Un transfert à l’unité de soins palliatifs : un choix du patient ou de sa famille
Un transfert dans une unité de soins palliatifs constitue un choix pour le patient et sa famille, jamais une obligation. « L’équipe soignante du centre hospitalier offre au patient son passage à l’unité de soins palliatifs lorsque celui-ci rencontre les critères établis par l’unité. L’espérance de vie du malade constitue un critère incontournable : elle doit être inférieure à trois mois », nous précise madame Céline Pichette, travailleuse sociale à l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.

Les « heureux élus » bénéficieront, malgré la maladie qui les afflige, des meilleures conditions de vie possible… avant de quitter notre monde. Mme Pichette explique : « une équipe multidisciplinaire (médecins, infirmières, préposés, psychosomaticien, travailleur social, aumônier et bénévoles), mieux préparée aux exigences des patients en fin de vie, verra à dispenser l’ensemble des soins. Généralement, l’aménagement physique des locaux de l’unité se rapproche beaucoup plus du chez-soi des malades que de la traditionnelle chambre d’hôpital. De plus, les visites y sont permises 24 heures par jour. Tout est conçu pour améliorer la qualité des derniers moments de la vie. »

Lors de l’implantation des premières unités de soins palliatifs, plusieurs hésitaient à accepter l’offre. « Possiblement que la peur de la mort et la foi en la guérison… divine, amenaient les gens à refuser l’offre de transfert à l’unité de soins palliatifs. Aujourd’hui, il y a peu de refus. La bonne presse provenant des familles ayant vu un des leurs y séjourner et les reportages des journalistes ont certes contribué à l’augmentation de la popularité de ces unités », d’ajouter Mme Pichette.

La mort sur commande? pas pour le moment
Ailleurs dans le monde, le débat sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté bat son plein. Les médias contribuent à informer la population québécoise à ce sujet. Est-ce que cette médiatisation a affecté les demandes pour mourir qui sont adressées au personnel des équipes de soins palliatifs? Madame Christianne Affaki, travailleuse sociale à l’hôpital Notre-Dame de Montréal, est catégorique : « il n’y a pas de demande en ce sens. » Affectée à l’unité de soins palliatifs depuis dix-sept ans, madame Affaki certifie qu’aucun patient ne lui a jamais adressé une telle demande. « Par contre, en quelques occasions, elles se comptent sur les doigts d’une main, des parents de mourants ont exprimé le désir de voir le personnel soignant mettre fin à la vie de leur proche. Dans chacun des cas, soit les parents ne pouvaient plus voir souffrir le patient soit ils étaient si épuisés eux-mêmes de côtoyer la maladie et l’hôpital qu’ils souhaitaient qu’un point final soit mis.

Mais la situation pourrait changer bientôt. L’arrivée de la génération « baby-boomers » dans les unités de soins palliatifs changera la donne. Ceux-ci n’ont pas l’habitude de la souffrance, ils n’ont pas non plus la ferveur religieuse de leurs parents, leur nichée, beaucoup moins nombreuse et disposant d’agenda trop bien garni, ne pourront pas et ne voudront pas prendre la responsabilité du dernier droit de la vie de leur géniteur. Il y a fort à parier que patient tout comme famille seront dès lors plus réceptifs à l’euthanasie…

Espérant que nos élus ne feront pas de l’euthanasie un outil pour les gestionnaires du futur !

Remplis sous: L'euthanasie, Nouvelles Mots clés:
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