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Le grand palmier solitaire de Varsovie atteint son âge mûr

Revue de presse

Anna Maria Jakubek, Agence France Presse, La Presse+, le 30 janvier 2021

Palmier, Varsovie, Pologne

(Varsovie) On est bien loin des tropiques à Varsovie, et pourtant, un grand palmier qui domine joyeusement le cœur de la capitale polonaise s’est hissé au rang de ses icônes, une installation artistique chérie de ses habitants.

« C’est comme une créature extraterrestre venue d’un monde inconnu. Comme un objet tombé du ciel », estime Sebastian Cichocki, conservateur au Musée d’art moderne de Varsovie, gardien de la plante artificielle.

Dressé il y a 18 ans sur un rond-point central, le grand palmier élance vers le ciel son tronc d’acier recouvert d’écorce de dattier véritable, couronné de palmes de métal et de plastique qui ont remplacé ses feuilles naturelles d’origine.

Le palmier est une œuvre « qui génère de l’énergie sociale… Un objet sur lequel vous pouvez projeter vos propres fantasmes, vos désirs, vos angoisses », dit M. Cichocki à l’AFP.

Photo ci-dessus : À l’angle de la rue Nowy Świat et de l’Aleje Jerozolimskie (l’allée Jérusalem), il y a un palmier… Mais non, ce n’est pas un vrai, après tout la Pologne a aussi ses hivers. Il s’agit d’une œuvre de Joanna Rajkowska. Le palmier, dont les palmes d’acier se plient, a été inauguré en 2002! (Photo : Jacques Lanciault, septembre 2016)

Partisan de nombreuses causes, l’arbre a déjà enfilé une grande coiffe d’infirmière en solidarité avec les infirmières protestataires, est devenu l’île de Lesbos pour les militants LGBT en bikini et s’est même fait arracher les feuilles par des anarchistes.

Les agents de la police postés à ce rond-point central sont surnommés « Miami Vice » - une référence à la populaire série américaine qui se déroule sous des soleils nettement plus chauds que ceux de Varsovie.

Histoire d’absence
Le projet est né d’un voyage en Israël où l’artiste polonaise Joanna Rajkowska a connu « la tension et la peur » de l’époque de la deuxième Intifada, révolte palestinienne.

« Quand je suis rentrée, j’ai eu un sentiment écrasant que les Juifs devraient simplement être ici, vivre dans la prospérité et le bonheur, et que cette terre-ci devrait vraiment être leur maison », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Avant la Seconde Guerre mondiale, la Pologne comptait la plus grande communauté juive d’Europe, dont 90 % des membres ont péri dans l’Holocauste et dont la plupart des survivants sont partis vivre ailleurs.

« Le palmier est le fruit de ce vide. Un regret vraiment profond que nous ayons perdu quelque chose », indique Mme Rajkowska.

En plantant le faux arbre au milieu d’une des artères principales de la capitale polonaise - avenue de Jérusalem - elle a voulu attirer l’attention spécifiquement sur la communauté juive locale du 18e siècle à qui cette rue doit son nom.

« Déplacé »
Le projet du palmier, nommé « Salutations de l’avenue de Jérusalem », a pu servir d’expérience sociale pour voir comment les Polonais réagissent à un tel élément étranger.

Face à un spécimen exotique installé à la place traditionnelle du sapin de Noël, de nombreux habitants ont grogné, pensant que quelqu’un avait perdu la raison - ou « s’était fait frapper par un palmier », selon une expression populaire polonaise.

« Il y a eu un vrai dégoût, ils ont été choqués. Surtout les chauffeurs de taxi. Ils haïssaient le palmier », constate l’artiste.

L’arbre a toujours ses ennemis, un passant le qualifie de « déchet inutile », mais une grande partie des citadins ont fini par l’aimer.

« J’ai été surprise au début, mais maintenant je ne peux plus imaginer ce rond-point sans les palmes. C’est gai, relaxant », déclare à l’AFP une retraitée, Malgorzata Blaszczyk.

« Cela me fait penser aux vacances. Que ce serait bien finalement, surtout maintenant, de voler quelque part à la recherche des paysages semblables », ajoute-t-elle.

Les feuilles mortes
L’agent publicitaire Bartosz Macichowski se souvient de la canicule où les palmes du palmier ont été remplacées par de vraies feuilles fanées pour attirer l’attention sur le changement climatique.

« C’est bien qu’en modifiant son apparence, le palmier puisse nous montrer si les choses vont dans la bonne direction. Comme un baromètre social », dit à l’AFP cet homme de 44 ans.

L’une des feuilles mortes est exposée désormais dans une vitrine donnant sur le palmier, aux côtés d’un grand nid d’oiseau découvert un jour dans sa couronne et d’une lettre pro-environnementale « signée » par l’arbre.

« Avez-vous pensé seulement à la façon dont vos descendants vont fonctionner dans, disons, quelques centaines d’années ? Quel air, quelle eau, quelle température auront ils à leur disposition ? «, y lit-on.

« Retroussez les manches et mettez-vous au travail-sinon vous allez perdre la chance de survivre », dit l’arbre du haut de sa maturité.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

Remplis sous: Pologne, Voyages Mots clés:
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