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Baseball: dans la peau d’un recruteur international

Revue de presse

Benoît Rioux, Le Journal de Montréal, le 15 juin 2019

BOCA CHICA - Lundi matin, il est 5 h 45, le soleil peine à se lever sur la plage de Juan Dolio en République dominicaine, mais l’heure est déjà venue de se mettre en route vers l’Académie de baseball des Mariners de Seattle située 30 kilomètres plus loin, à Boca Chica.

L’entraîneur des frappeurs David Flores, un Californien, est au volant de la voiture tandis que le Québécois Frédérick Rioux, qui permet de plonger dans son quotidien de recruteur international le temps d’un reportage, est sur le siège du passager.

Depuis la banquette arrière, la radio laisse entendre la version remixée de Baila, baila, baila du chanteur Ozuna. À bord de la modeste Hyundai, le rythme latino permet justement au bolide de mieux danser dans les rues cahoteuses de la région où la pauvreté est criante. Un chemin de terre, sur lequel se retrouvent de nombreux débris, mène ultimement au superbe complexe des Mariners.

Photo ci-dessus : Une affiche souhaitant la bienvenue au complexe des Mariners de Seattle, à Boca Chica, a été abîmée par des balles de fusil. Des déchets se retrouvent sur le bord du chemin de terre menant à l’académie de l’équipe. (Photo Benoît Rioux / Agence QMI)

«Tu es certain de vouloir prendre une photo de cette pancarte ? Elle est trouée par des balles de fusil», répond-on, lorsqu’on demande s’il est possible d’arrêter le véhicule, le temps d’immortaliser la scène.

Le paradoxe est énorme entre l’affiche et le complexe, pourtant distancés par seulement une centaine de mètres. Bienvenue dans l’antre du recrutement international, où les jeunes joueurs de l’Amérique latine sont nombreux à rêver d’un avenir meilleur. Pleins feux sur ce pays mythique du baseball qui a vu grandir plusieurs anciennes gloires des Expos, dont Felipe Alou, Pedro Martinez et Vladimir Guerrero.

Pas seulement des Dominicains
À l’entrée de l’Académie, les agents de sécurité, fusil à la main, semblent sur les dents à la suite d’un vol nocturne survenu au cours des dernières semaines à l’académie des Mariners. Une fois à l’intérieur du bâtiment principal, le gérant de l’équipe Austin Knight vient souhaiter la bienvenue.

«Si tu as des questions, n’hésite pas», dit l’entraîneur de 31 ans, qui en est à sa troisième saison avec l’organisation des Mariners, mais à sa première année comme gérant en République dominicaine.

Réunion des entraîneurs, puis rencontre avec les joueurs. Sur place, une trentaine de jeunes athlètes, pour la plupart des Dominicains âgés de 16 à 20 ans, finalisent leur préparation en vue de la Dominican Summer League (DSL) qui doit prendre son envol dans les jours suivants. On retrouve aussi quelques athlètes du Venezuela, du Panama, du Brésil, du Nicaragua et de la Colombie. Tous sont déjà liés aux Mariners. Ces espoirs doivent toutefois bien faire s’ils veulent poursuivre éventuellement leur route jusqu’aux États-Unis, à travers les différents clubs-écoles de l’organisation.

Une nouvelle recrue
Entraînement léger en matinée et match préparatoire face aux espoirs des Orioles de Baltimore à compter de 10 h 30. Après une courte pause pour le dîner, cinq jeunes Dominicains repérés précédemment ont rendez-vous à l’Académie en milieu d’après-midi dans le but d’impressionner les décideurs et de décrocher un contrat avec l’organisation des Mariners. Des blessures ont forcé l’équipe à embaucher un nouveau lanceur.

Chacun s’exécute au monticule. Les lancers sont filmés et analysés grâce à un équipement sophistiqué. On revoit la motion au ralenti. On observe la vitesse de la balle, mais aussi la trajectoire de l’objet, entre autres.

À 6 pi 4 po et 160 livres, le longiligne Felix Peguero est le premier à prendre place sur la butte. Malgré son corps frêle, le jeune homme de 18 ans originaire de la région du Cibao, plus au nord, parvient à atteindre les 91 milles à l’heure. La balle bouge bien et il défie les frappeurs devant lui. Les autres lanceurs suivront, mais aucun n’impressionnera autant que Peguero.

Une prime de 10 000$
Au terme d’une consultation entre les différents recruteurs, le choix est fait : c’est à Peguero que l’on compte offrir une prime d’engagement de 10 000 dollars américains. S’il passe les tests médicaux, il sera rémunéré 500 $ par mois, toutes dépenses payées, pour demeurer avec l’équipe. Ne reste plus qu’à attendre l’approbation du directeur du recrutement international des Mariners, Frankie Thon Junior.

Il est passé 19 h quand le jeune lanceur est appelé à venir dans la salle de conférence pour apprendre les intentions de l’équipe. Malgré sa timidité, son sourire est large. Par le biais d’un interprète, il répond aux questions, confirmant qu’il s’agit de la plus belle journée de sa vie.

«Clairement, indique-t-il. Pour moi, c’est enfin la chance que j’attendais pour devenir un joueur de baseball professionnel.»

Pour sa famille, il s’agit également d’une belle journée qui permettra sans doute de souffler un peu mieux sur le plan financier.

Lundi soir, il est 19 h 30, le moment est venu de rentrer. Comme quoi les stations radiophoniques du monde entier ne sont pas complètement différentes, la chanson Baila, baila, baila se fait de nouveau entendre dans la voiture sur le chemin du retour. Pendant ce temps, sur la plage de Juan Dolio, le soleil est déjà couché.

POUR EN SAVOIR PLUS...
Chaque organisation du baseball majeur compte une académie en République dominicaine, destinée aux espoirs internationaux de 16 à 20 ans.

Les athlètes «internationaux», dont les Dominicains, ne passent pas par le repêchage du baseball majeur, contrairement aux joueurs américains, canadiens et portoricains.

Premiers arrivés, premiers servis. C’est ainsi qu’un joueur comme Vladimir Guerrero fils a touché, à 16 ans, une prime d’engagement de 3,9 millions $ au moment de s’entendre avec les Blue Jays de Toronto en juillet 2015.

Le montant disponible annuellement pour embaucher des joueurs internationaux varie généralement entre 4,75 millions $ et 5,75 millions $ par équipe. Cela exclut toutefois tous les joueurs ayant coûté 10 000 $ ou moins.

Dès l’âge de 13 ou 14 ans, les jeunes joueurs dominicains sont épiés par les recruteurs des différentes équipes à l’entraînement ou lors de compétitions.

Selon la prochaine convention collective du baseball majeur, un nouveau repêchage pourrait être implanté dès 2021, exclusivement pour les joueurs «internationaux».

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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