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Aux galeries, tous!

En ces temps trumpesques, il fait bon côtoyer la grandeur. Cap sur des musées pleins de personnalité.

Revue de presse

Carolyne Parent, Le Devoir, le 26 novembre 2016

Buenos Aires, Argentine

Ici comme ailleurs, c’est la sortie de secours par excellence. Celle qui nous met au calme. Celle qui nous tire de notre train-train quotidien. Celle qui nous baigne de beauté, nous interpelle, nous chavire, nous scandalise, nous fait parfois voyager en terra incognita, bref, nous élève. Ça fait du bien, s’élever. On respire mieux en surplomb de l’insignifiance et de la noirceur. Je ne vous apprends rien.

Photo ci-dessus : À Buenos Aires, du Museo Evita dédié à Eva Perón, certains pourraient ne retenir que le parcours d’une belle arriviste ; d’autres, ses luttes sociales et le fait qu’elle ait donné le droit de vote aux Argentines. (Museo Evita. Photo Jacques Lanciault, 8 mars 2016)

Ici comme ailleurs, surtout ailleurs par la force des choses, je vais donc au musée. Le petit, le très couru, le premier venu, avec une prédilection pour celui qui raconte la vie des grands. Avec un peu de chance, j’en sortirai moi-même un rien grandie. Et, parfois, réconfortée…

Au printemps dernier, dans une exposition des oeuvres du photographe canadien Yousuf Karsh, à Las Vegas, sous le portrait de Graham Greene, il y avait ce mot de l’écrivain : « Parfois, je me demande ce que tous ceux qui n’écrivent pas, ne composent pas ou ne peignent pas font pour échapper à la folie, à la mélancolie et à la peur panique inhérentes à notre condition. » Tiens donc, on a eu peur avant moi.

Aussi, pour me requinquer le moral dans la foulée du triomphe de la bêtise T majuscule et de la morosité ambiante, je me suis appliquée à me remémorer ces musées de par le monde qui immortalisent d’illustres artistes, politiciens, sportifs, bref, ces hommes et ces femmes modèles, appelons-les héros, dont le monde actuel fait cruellement défaut.

Bien sûr, les héros des uns ne sont pas ceux des autres. À Buenos Aires, du Museo Evita dédié à Eva Perón, certains pourraient ne retenir que le parcours d’une belle arriviste ; d’autres, ses luttes sociales et le fait qu’elle ait donné le droit de vote aux Argentines.

À Amsterdam, la Maison Anne Frank fait davantage l’unanimité, ses murs n’ayant pas fini de hurler le cauchemar du nazisme. Une bibliothèque coulissante, une sombre annexe secrète, deux ans à s’y terrer, à écrire pour tenir le coup, puis être dénoncée pour une poignée de florins et mourir dans un camp de concentration à peine quelques semaines avant la libération. La réalité dépasse la télésérie L’imposteur. Quant à cette maison, un rappel tangible de droits de la personne plus que bafoués pour cause de racisme, elle est évidemment un monument au courage d’une adolescente. « Sortir, respirer, rire, entends-je crier en moi », confia-t-elle à son journal.

À Mexico, le Museo Frida Kahlo célèbre le talent, de même que le courage, de la superstar des artistes-peintres latino-américaines. Empalée par une tige d’acier à l’âge de 18 ans, la jeune femme en réchappe, mais doit dès lors enserrer son corps cassé dans un corset, apprendre à vivre avec la souffrance et subir de multiples opérations jusqu’à sa mort.

Ce qui ne l’a pas empêchée de créer, car elle était forte, la Fridita, suffisamment forte pour trouver sa voie propre en dépit de la douleur et de l’ombre que lui faisait son géant d’époux, le muraliste Diego Rivera, qui devint éventuellement le « mari de ». Viva la determinación !

En Angleterre, dans le Hampshire, et plus précisément à Chawton, le Jane Austen’s House Museum est plus qu’un cottage : c’est un sanctuaire honorant la mémoire de l’auteure d’Orgueil et préjugés qui, fin XVIIIe, début XIXe siècle, pourfendait de sa plume l’étroitesse d’esprit d’un milieu confinant les femmes au point de croix et à la chasse au mari. Elle compte parmi les pionnières du roman féministe, et son oeuvre semble immortelle.

Je pourrais aussi vous parler des musées Matisse, Mozart ou Mohammed Ali. Ou encore de l’Espace Felix-Leclerc, du Musée des Augustines de Québec ou du Musée de l’ingéniosité J. Armand Bombardier…

Grands et grandes de tous horizons, d’ici et d’ailleurs, sont inspirants. Leur fréquentation nous élève, disais-je. Et plus encore lorsque the going gets Trump. Aux galeries, tous !

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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