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Andrew Tinnish, des Capitales aux majeures

Revue de presse

Jean-Nicolas Patoine, Le Soleil, le 12 mai 2016

Andrew Tinnish

(Toronto) 1er de 4 / Chacun à leur façon, ils ont atteint les ligues majeures sans y jouer. Le Soleil s'est rendu à Toronto pour vous présenter quatre hommes au destin unique, dont le principal point commun demeure leur passage avec les Capitales de Québec. Quatre hommes qui poursuivent leur rêve de baseball. Aujourd'hui : Andrew Tinnish, adjoint au directeur général des Blue Jays de Toronto, Russ Atkins.

Pour Andrew Tinnish, les Capitales représentaient une opportunité inespérée : du baseball de haut niveau dans son pays, à quelques heures de route de la maison. Une chance de se faire voir, de se faire valoir. À 23 ans, il a bûché pendant un hiver complet afin d'arriver à Québec au sommet de sa forme. Mais la saison 1999 aura été sa seule chez les professionnels.

Photo ci-dessus : Entré chez les Blue Jays de Toronto comme stagiaire en 2001, Andrew Tinnish a porté plusieurs chapeaux au fil des ans avant d'enfiler celui d'adjoint au directeur général. (Photo : La Presse Canadienne, Chris Young)

Comme joueur, doit-on préciser. Car l'ancien releveur des Capitales est aujourd'hui adjoint au directeur général des Blue Jays de Toronto, Russ Atkins. Tinnish a pourtant commencé... comme stagiaire.

Mais avant d'aborder son aventure torontoise, parlons de la québécoise. Tinnish s'aligne avec les Badgers de l'Université Brock, à l'automne 1998, lorsqu'il entend parler d'une nouvelle formation professionnelle sur le point de naître à Québec, l'été suivant, dans la ligue Northern.

Le jeune Ontarien, grande vedette de son équipe universitaire où il est à la fois voltigeur et lanceur, y voit une chance rêvée. Avec Québec en tête, il travaille «très, très fort» afin d'être prêt pour le camp d'essai. Sa place est loin d'être acquise.

«Je ne savais pas à quoi m'attendre. [...] J'ai fait quelques élans lors de la pratique au bâton, quelques trucs dans le champ extérieur... Puis j'ai lancé dans l'enclos des releveurs. L'entraîneur des lanceurs n'était pas encore là. C'est Michel Laplante qui m'a observé», a raconté Tinnish, maintenant âgé de 40 ans, lors d'un entretien avec Le Soleil sur la galerie de presse du Centre Rogers.

Impressionné par sa tenue, l'état-major des Capitales l'invite au camp. Comme lanceur. La rareté des pattes gauches l'a sans doute aidé, reconnaît-il, 17 ans plus tard.

Très estimé par Laplante
Natif de la région d'Ottawa, Tinnish parle bien le français, encore aujourd'hui. En cet été 1999, il fraternise avec ses nouveaux coéquipiers québécois. Avec Olivier Lépine, entre autres. L'athlète de Québec se joint aux Capitales à la mi-saison et permet à Tinnish d'améliorer son jeu. «Je n'arrivais pas à être confortable avec les receveurs à qui je lançais. J'ai ensuite changé ma motion et commencé à lancer avec Olivier. On s'entendait très bien et il était très positif et encourageant», se souvient Tinnish.

Il se lie aussi d'amitié avec le frère d'Olivier, Julien, avec Yves Martineau - «Le gars le plus drôle de tous les temps» -, ainsi qu'avec Michel Laplante, toujours un bon ami. Ce dernier lui voue d'ailleurs une estime sans borne. La preuve : «Il me faudrait plus que quelques minutes pour parler du respect que j'ai pour Andrew», a illustré le président des Capitales.

Laplante vante l'écoute de son copain, ressource précieuse pour l'équipe québécoise. «Lorsqu'on lui demande des renseignements sur un joueur, il ne fait pas juste parler de son coup de bâton, il nous parle de la personnalité du joueur. Il sait que pour nous, c'est important. Il me dit : "Non, Michel, lui, tu ne l'aimerais pas, ça ne cadre pas dans ton système de valeurs. Mais lui, ça va fonctionner."»

Auteur d'une moyenne de points mérités de 6,93, Tinnish connaît une saison 1999 en dents de scie - «Je n'étais pas bon», dit-il humblement -, mais les Capitales veulent le revoir l'année suivante. Une blessure à l'épaule viendra décider pour lui. «J'ai essayé de continuer», raconte-t-il. «Jay Ward [le gérant] m'a demandé si je voulais revenir. Mais je ne pouvais pas. Et je savais que je n'irais pas loin dans le baseball professionnel. Mais je savais aussi que je voulais continuer dans ce sport.»

La crédibilité de Québec
Le voilà forcé de contempler son après-carrière. Après un passage chez Baseball Ontario en 2000, le détenteur d'un diplôme en gestion sportive devient stagiaire chez les Blue Jays l'année suivante. Au fil du temps, il portera plusieurs chapeaux dans l'équipe du baseball majeur. Adjoint au directeur des opérations baseball, recruteur, coordonnateur au recrutement, assistant au directeur du recrutement amateur, directeur du recrutement professionnel, directeur du recrutement... Il grimpe les échelons en même temps que son ami Alex Anthopoulos. Celui-ci devient directeur général en 2009. Tinnish, son adjoint quelques années plus tard.

Ce dernier relativise l'«anecdote», mais son nom s'est retrouvé parmi ceux des successeurs potentiels à Anthopoulos quand celui-ci a quitté son poste, l'an dernier. Du moins sur les listes bâties par certains journalistes.

«Anthopoulos est le même type d'individu [que Tinnish], qui considère énormément les gens», analyse Laplante. «Je pense que c'est de plus en plus à la mode. Je ne serais pas surpris qu'on voit Andrew une marche plus haut dans les prochaines années...»

Même s'il n'est jamais retourné à Québec depuis la fin de sa carrière de joueur, Tinnish n'a pas oublié son court passage avec les Capitales. Il a vécu des moments magnifiques avec les Jays, dont cette présence en finale de la Ligue américaine l'an dernier, mais «honnêtement, cet été à Québec fait partie de mes plus belles expériences dans le baseball. J'ai tellement appris.

«Ça m'a beaucoup aidé pour ma carrière, ajoute-t-il. Je n'ai pas été repêché, je n'ai pas joué dans les majeures. Mais ça me donne une certaine crédibilité. "As-tu joué au baseball?" "Oui, j'ai joué dans les rangs universitaires et une saison chez les professionnels dans la ligue Northern avec Québec." Ça amène un petit respect en extra.»

Un frappeur... parfait
Bien peu de joueurs peuvent se vanter de présenter une moyenne au bâton de 1,000 en carrière chez les professionnels... Andrew Tinnish, oui.

S'il se pavanait, toutefois, il devrait détailler la statistique. Elle se résume à une seule présence au bâton lors de sa seule saison chez les pros, celle passée avec les Capitales de Québec en 1999. Pourtant, les lanceurs ne frappent pas dans la ligue de baseball indépendant...

Mais le 12 août de cette année-là, le gérant Jay Ward oublie d'inscrire le nom de son partant, Jim Boynewicz, sur son alignement de départ. Conséquence de cet imbroglio : les artilleurs devront se présenter à la plaque.

Tinnish ne doit même pas jouer ce soir-là, à Elmira. Quatre jours plus tôt, une flèche l'a atteint de plein fouet à la cheville. «Je pensais que j'étais fini pour la saison», se souvient l'Ontarien, qui n'a pas oublié les détails de son été. Mais ce fameux match se prolonge au-delà des neuf manches réglementaires, et Ward doit faire appel à son joueur éclopé.

Après avoir lancé une manche, Tinnish doit se présenter à la plaque. Sur le banc, «l'instructeur des lanceurs voulait me parler, mais moi, c'était : "Ok, c'est mon tour au bâton bientôt. Ne me parle pas."»

Il se retrouve devant le releveur numéro un de l'adversaire, Rod Steph. Les offrandes seront puissantes, mais Tinnish a une autre raison d'être nerveux. Depuis son arrivée chez les Capitales, il se plaît à vanter ses aptitudes au bâton. «La seule chose à laquelle je pense : j'ai un coureur au deuxième, je dois frapper cette balle. Je me suis rendu jusqu'à un compte complet, frappé une couple de fausses balles. Et finalement, il m'a lancé une balle rapide à mon goût que j'ai cognée entre le troisième-but et l'arrêt-court. Et le coureur est venu marquer. C'était excitant pour moi, parce que je n'arrêtais pas de dire : "Je peux frapper!"»

Tinnish revient lancer la manche suivante et obtient sa troisième et dernière victoire de la saison (3-1) grâce à son propre point produit. Il possède toujours le bâton et la balle qui lui ont permis de réaliser cette performance.

«Nous avons un système de recrutement informatisé ici [chez les Jays]. Si tu cherches mon nom, mes statistiques vont montrer que je frappe pour 1,000» chez les professionnels, rigole encore Tinnish, satisfait de se voir en haut de classement.

Ce qu'il a dit
«Je veux toujours être ici avec les Blue Jays. Je suis un Canadien. Toutes mes meilleures expériences de baseball se sont déroulées au Canada. Si je pouvais prendre ma retraite en tant que Blue Jays, dans un rôle qui me permet de faire bouger les choses... Je ne peux rien demander de plus»

- Andrew Tinnish, sur son sentiment d'appartenance aux Jays

«La qualité de la ville, sa population, sa passion pour le baseball... Je crois que si une équipe devait quitter sa ville actuelle ou si la MLB souhaitait une expansion, Montréal serait en haut de la liste.»

- Andrew Tinnish au sujet du retour du baseball majeur à Montréal. Les Expos étaient jadis son équipe favorite.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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