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Tourisme Irlande du Nord – Un royaume face à la mer

Sur les traces de la télésérie «Game of Thrones» dans les recoins les plus magiques du pays

Revue de presse

Émilie Folie-Boivin, Le Devoir, le 28 mars 2015

 Château de Dunluce, Comté d’Antrim, Irlande du Nord, Royaume-Uni

l n’y a pas meilleure carte de visite pour une destination touristique que de voir ses paysages en vedette dans l’une des émissions les plus populaires du moment. Et de tous les endroits du monde, c’est dans les paysages dramatiques de l’Irlande du Nord que la célèbre télésérie «Game of Thrones» («GoT») a choisi de camper les plus beaux décors de son univers. Ça tourne.

Photo ci-dessus : Le château de Dunluce, un magnifique monument du XIVe siècle, en ruines et perché sur la falaise. (Photo Jacques Lanciault, 2013)

Tous les Irlandais du Nord connaissent une belle-soeur, un cousin, un ami qui a un lien de près ou de loin avec la série Game of Thrones diffusée sur HBO.« Ils ont tourné des scènes près de chez moi ! », confie Martin, mon septuagénaire voisin de siège dans le vol vers l’Irlande.

Vous avez écouté tous les épisodes ? « Pas encore… J’attends d’être vieux et de n’avoir rien d’autre à faire que de regarder la télé ! »

Il sort son téléphone et insiste pour me montrer des photos de son village, Newcastle, situé au sud de Belfast. Un champ de lilas, des maisons de campagne blanches aux volets rouges sur lesquels plombe le soleil du petit matin, et un quai tranquille où je jurerais entendre l’eau clapoter sur le bois humide. Des panoramas classiques de la verte contrée, interrompus par une série d’autoportraits pris au sommet d’une montagne brumeuse (« Mes premiers ! ») et sur lesquels il s’attarde en souriant, avant de les balayer de l’index.

L’Irlande n’a jamais besoin de filtre pour nous charmer.

Et le nombre de visiteurs qui viennent le constater de leurs propres yeux a explosé depuis que l’univers médiéval imaginé par George R. R. Martin a été mis en scène dans ses impressionnants décors naturels.

Si 75 % de la série est tourné en Irlande du Nord (le Titanic Studio à Belfast, malheureusement fermé aux visiteurs, est consacré aux scènes intérieures), le Maroc, l’Espagne, la Croatie et l’Islande se chargent du reste.

Ç’a créé un boom de l’économie locale et l’industrie du tourisme constate chaque jour l’impact de cette vitrine. Avec une amusante campagne de pub reprenant les lignes les plus populaires de l’émission (« Winter is coming. Book now »), des tours guidés et des itinéraires autoguidés mettent en valeur les lieux de tournage. Près de deux millions de personnes sont venues y chercher le vrai Westeros, soit autant de touristes que cette région du Royaume-Uni compte d’habitants.

« Ça doit briser un peu votre tranquillité, non ? », ai-je glissé à Martin, qui regardait une photo de lui avec son petit-fils devant une vallée émeraude. Il sourit. « Ça en prendrait beaucoup plus que ça pour briser notre tranquillité ! »

Bien sûr, toutes ces beautés existaient bien avant que Game of Thrones ne braque ses caméras sur elles. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir visionné les quatre saisons de la télésérie pour s’émouvoir devant les longues plages, les châteaux abandonnés et les côtes accidentées qui se dévoilent au fil de la Causeway Coastal Route panoramique, l’une des plus belles de l’Europe.

Longue de 190 kilomètres, cette voie se savoure lentement. Reliant Belfast, la capitale de l’Irlande du Nord, à la culturelle Londonderry, c’est elle qui nous conduit aux divers points de vue et lieux de tournage de GoT. Nombreux, ces derniers sont disséminés au bord des côtes et à l’intérieur, au fil du chemin, et rythment les arrêts.

À certains moments, la route me rappelle la 132, en Gaspésie, avec ses villages au creux des petites baies, et l’Atlantique si près qu’on pourrait le toucher du bout des doigts. Le genre de vue qu’on veut à tout prix avoir du siège passager.

Dans le village de Glenarm, on trouve au Glenarm Garden l’un des plus vieux jardins clos d’Irlande, ainsi qu’une superbe forêt où se dégourdir les pieds.

Les fans de GoT vont vouloir faire un arrêt chez Steensons Workshop Gallery, les joailliers des couronnes, broches et colliers portés par les personnages de la série. Ces pièces, créées par le jeune couple propriétaire, sont à des kilomètres du style contemporain qui fait la réputation de la maison.

Ils sont bombardés de demandes spéciales de clients qui désirent avoir des répliques de certains bijoux. Plus qu’une boutique, c’est aussi un petit économusée où on peut constater leur savoir-faire.

Dans le comté d’Antrim, on peut entrer dans les grottes de Cushendun où Lady Melisandre donne naissance au bébé d’ombre. Pour accéder à ce repère vieux de 400 millions d’années, il faut marcher une centaine de mètres sur un sentier qui mène à elle. On salue au passage la jolie chèvre blanche devenue la mascotte du coin. La baie de Murlough, aussi un lieu de tournage important, est un sublime point de vue sur la mer.

S’il y a un endroit à voir absolument, c’est bien Dark Hedges, cette mystérieuse avenue bordée de vieux hêtres aux branches entrelacées à travers lesquelles le soleil se fraie un chemin pour créer l’un des passages les plus féeriques. Plantés par la famille Stuart il y a 200 ans pour impressionner leurs visiteurs, ces arbres ont évolué pour devenir l’un des phénomènes naturels les plus photographiés de la région. Bien sûr, une légende locale veut que les lieux soient hantés par la Grey Lady et chaque jour, les gens défilent par centaines pour contempler la King’s Road qui ouvrait la deuxième saison de GoT.

En remontant vers Ballintoy, le paysage rural donne sérieusement envie de se magasiner une nouvelle maison et une nouvelle vie. Des moutons picotent un tapis de verdure qui s’étend jusqu’au port. Les lieux étaient déjà prisés avant GoT, dit Joanne, la rousselée propriétaire du Red Door, un mignon salon de thé près du port. « Il y a l’« avant » et l’« après » Game of Thrones. Beaucoup de gens viennent au port juste pour s’asseoir et regarder les vagues. C’est tellement calme ici. »

Elle avait raison. En cette belle journée de juillet, des familles descendaient la côte en voiture pour rejoindre ce petit port de pêcheurs pittoresque, pour se baigner et faire un pique-nique. Une poignée de petites embarcations sont arrimées au quai en pierre. L’endroit donne l’impression d’être dans une autre époque, avec ses monstres de roc échoués sur la côte. HBO ne pouvait pas mieux camper ses Iron Islands qu’au Ballintoy Harbour.

Cet endroit de rêve se situe juste à côté du pont en corde Carrick-a-Rede. Avant d’entreprendre la longue marche jusqu’au petit pont de cordage qui relie la rive à une île peuplée d’oiseaux — et qui donne le vertige aux gens depuis le XVIIIe siècle —, on jette un coup d’oeil au grand stationnement surmonté de hauts flancs rocheux. Il a servi d’arène à un combat d’épée dans la série. Pour en revenir au pont, c’est un trésor national (fait avec du bois canadien) et il vaut mieux le traverser pour apprécier encore plus la vue sur les falaises de calcaire de la baie Larrybane. Devant chaque visiteur hésitant, le ranger se fait… rassurant : « Pas de danger, le pont est incassable. Il est fait à Belfast [là où a été construit le Titanic] ! » D’un côté ou de l’autre du pont, on a droit à un paysage majestueux et à une belle marche de santé.

On conserve nos souliers de marche pour la prochaine halte, encore plus spectaculaire (à ce point-ci du voyage, on commence sérieusement à manquer de synonymes pour ce mot-là). Car il est quasiment impossible de se retenir de grimper sur le surprenant pavé de basalte de la Chaussée des géants (Giant’s Causeway), listée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Formée il y a 60 millions d’années à la suite d’éruptions volcaniques, la lave a durci en roches hexagonales, formant un hallucinant plancher en mosaïque menant vers l’océan. Les enfants vont sûrement adorer la légende du géant racontée dans le tout nouveau centre des visiteurs. Puisque l’endroit est très fréquenté, pour avoir un petit moment intime avec cette merveille de la nature, je suggère de passer une nuit à l’hôtel Causeway et de se réveiller à l’aube pour une longue marche dans les (nombreux) sentiers au bord de la falaise qui descendent vers la Chaussée. L’air marin et les vaches qui broutent en silence alors que le soleil se lève sur les rochers procurent un moment précieux, et rien au monde ne vous fera regretter d’avoir mis le cadran à une heure si indécente en voyage. Juré.

Plage à l’infini
Peu de temps après avoir quitté Bushmills, près de l’hôtel — les amateurs de whisky feront une halte pour visiter l’une des plus vieilles distilleries d’Irlande —, on stationne la voiture pour jeter un oeil au château de Dunluce, un magnifique monument du XIVe siècle, en ruines et perché sur la falaise (les fans de Led Zeppelin se rappelleront l’avoir vu dans l’album Houses of the Holy).

L’océan Atlantique est cet inlassable compagnon qui nous suit jusqu’à la fin du pèlerinage Game of Thrones, près de Downhill. Là, de la plage Downhill Strand, on lève les yeux pour observer le temple de Mussendun et se remémorer la scène nocturne où les statues de bois des Sept dieux sont brûlées. De la plage, on ne s’imagine pas qu’elle s’étend sur plus d’une dizaine de kilomètres. Pour le constater, ça vaut la peine de remonter vers Binevenagh, une réserve protégée et classée « espace de beauté naturelle exceptionnelle » (ou Area of Outstanding Natural Beauty, AONB). Elle porte admirablement bien cette étiquette. Le plateau domine les villages sur les champs de tous les verts possibles. Assis sur un banc, le seul bruit qui vient interrompre le silence est celui des voitures en contrebas, qu’on entend à travers le rideau du vent.

Et même cela n’est pas suffisant pour briser cette absolue tranquillité de l’Irlande du Nord pastorale.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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