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Katia Metelizza : le regard ironique d’une Moscovite

Revue de presse

NDLR - Un petit livre qui pourrait s’avérer intéressant pour nous qui sommes de retour, tout de même depuis peu, d’un merveilleux périple en Russie : Nouvel abécédaire russe. Louis-Bernard Robitaille a rencontré l’auteure pour le quotidien La Presse. Un texte à lire, le voici :

Katia Metelizza : le regard ironique d'une Moscovite

Louis-Bernard Robitaille, La Presse, collaboration spéciale, le 22 octobre 2010

Katia Metelizza (Paris) Nouvel abécédaire russe. C'est un petit livre ironique et surprenant - du genre Les Miscellanées de M. Schott - qui connaît un joli succès à Paris une dizaine de jours après sa parution. Une trouvaille des éditions Les Allusifs, maison de Montréal, mais qui a établi une solide tête de pont en France, où elle vend les trois quarts de sa production et a gagné la faveur des libraires et des journalistes littéraires.

Photo ci-dessus : Le Nouvel abécédaire russe de l'auteure Katia Metelizza connaît un joli succès à Paris. (Photo: Ivan Pustovalov)

L'auteure en question, Katia Metelizza, est une jeune quadragénaire ni grande ni blonde, comme cela arrive parfois en Russie. Depuis une quinzaine d'années, elle a été chroniqueuse de l'air du temps pour des stations de radio, un magazine chic et éphémère du genre New Yorker («beaucoup trop sophistiqué pour Moscou!»), un quotidien appartenant à un oligarque réfugié à Londres (Berezovski). De passage à Paris pour une semaine, elle a eu le temps de décrocher un petit article flatteur dans Libération, deux pleines pages dans le magazine du Monde, des invitations à Radio Nova, une station à la mode, ou à l'émission culturelle Metropolis. Entre autres. Un traitement de petite princesse pour une parfaite inconnue. Mais la Russie, à juste titre, a toujours fasciné les intellectuels français.

Mademoiselle Metelizza reçoit dans le patio d'un hôtel de charme discret situé entre la Seine et l'Odéon. En compagnie de son éditrice et d'une interprète. Elle a beau avoir collaboré avec les filiales moscovites de médias occidentaux, elle réussit à ne parler aucune langue étrangère. Elle cause vaguement anglais mais, dit-elle, «quand je donne des interviews en anglais, j'ai l'impression de devenir une débile mentale».

Comme la Russie est un immense continent et - pour beaucoup de Russes - le centre du monde, à quoi bon apprendre d'improbables idiomes étrangers? D'ailleurs, en vraie Moscovite, elle ne voyage guère. Elle adore Paris, mais ça ne l'impressionne pas plus que ça. Et même si elle trimballe un sac à main géant, réplique plastique d'une boîte de Corn Flakes, elle n'est jamais allée aux États-Unis. Mais elle ira bientôt faire un reportage «décalé» sur le Montana pour un magazine de tourisme russe. Pendant la terrible crise des incendies, l'été dernier, elle n'avait pas trouvé d'autre refuge que sa datcha de la campagne moscovite: «Il y avait tellement de fumée qu'on ne voyait pas la maison de mes parents à 100 mètres de la nôtre.»

Elle a fait partie des Komsomols à l'époque du communisme finissant. Et avait une petite vingtaine lorsque, soudain, le régime qui semblait éternel s'est évanoui dans la nuit: «C'était comme dans une BD, dit-elle, la construction a commencé à s'affaisser et, tout à coup, on a constaté qu'elle avait disparu.»

Katia Metelizza n'est pas franchement conquise par la société capitaliste à la russe qui lui a succédé. «La démocratie, ironise-t-elle, est une idée abstraite, je ne sais pas exactement ce que c'est.» Exemple, Loujkov, l'inamovible maire de Moscou, symbole de la corruption, qui vient d'être limogé: «Ça m'inquiète un peu: les gens qui étaient au pouvoir depuis longtemps s'étaient tellement enrichis qu'ils étaient rassasiés. Les nouveaux arrivants risquent d'être affamés.»

Mystères éternels russes
Plutôt que de pleurer sur ce paysage chaotique, elle préfère se pencher sur les mystères éternels de la société russe. Pourquoi l'urbanisme moscovite ignore la forme carrée, ce qui fait qu'aucune rue n'est parallèle, et qu'on ne retrouve jamais la maison d'un ami à moins d'avoir une carte d'état-major. L'importance vitale du saucisson, qui a survécu même au communisme, et qui sous toutes ses formes fait craquer aussi bien le nouveau Russe richissime que le moujik au fond des campagnes. Et la soupe bien épaisse et rassurante qu'on trouve dans tous les frigos, chez les riches et les pauvres. Au cas où.

L'ancienne Komsomol évoque avec nostalgie les émissions de radio de l'ancien régime. Les bulletins du ministère de la Santé: «La mère alcoolique est un désastre pour sa famille.» Ou bien ce programme de huit heures du matin; «Salut les enfants! Vous écoutez le Réveil des pionniers!»

Y aurait-il une âme russe, vouée au drame perpétuel? Elle récuse cette idée: «Je ne sais pas ce que ça veut dire. Il y a la Russie, point.» Fuyant les idées générales, elle préfère cette petite histoire dont la vidéo a fait fureur à la dernière Mostra de Venise. Celle de la vénérable église du Saint-Sauveur, dans le vieux Moscou: «Elle a été détruite sous Staline. À la place on a édifié une statue géante de Staline: sur sa casquette, on avait prévu une piste d'atterrissage pour hélicoptères. Ça n'a jamais marché. On a détruit et construit une piscine gigantesque, mais qui risquait de ronger les collections du musée Tretiakov, juste à côté. Après la chute du communisme, on a reconstruit l'église Saint-Sauveur, mais en béton: elle ressemble en grand format à la maquette d'une fausse église... À Venise, les gens croyaient que c'était une histoire inventée...»

Pas d'âme russe, sans doute. Mais elle finit par admettre qu'il y a en Russie une attraction réelle «pour le fatalisme... et la fantaisie perpétuelle, dans ses formes les plus extrêmes».

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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