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Pas de nus dans les lieux publics à Verdun (Revue de presse)

NDLR : Au tour du Devoir de rapporter la désolante situation vécue par notre ami Carl Duplessis avec un projet d’exposition à Verdun. Et sur le site Internet du quotidien centenaire, les commentaires des lecteurs sont des plus intéressants! C'est à lire sur www.ledevoir.com

Toile de Carl Duplessis. La division arts et culture annule une exposition à l'île des Sœurs

Isabelle Paré, Le Devoir, vendredi 22 janvier 2010

Pas facile, la vie d'artiste à Verdun. L'arrondissement montréalais, qui a démantelé une oeuvre d'art public à l'île des Soeurs en septembre 2009 à la suite de plaintes de citoyens, juge que d'exposer les bambins de cette tranquille banlieue insulaire à des tableaux de nus dans un lieu public déroge «au gros bon sens».

Photo ci-dessus : Selon la division arts et culture de l’arrondissement de Verdun, exposer des oeuvres comme Se prélasser, de Carl Duplessis, dans un lieu public, dérogerait au «gros bon sens». (Photo courtoisie de Carl Duplessis)

Le Service arts et culture de l'arrondissement de Verdun, dont un jury avait retenu les portraits et croquis de l'artiste Carl Duplessis en juin 2009, s'est finalement ravisé, contrarié par le trop grand nombre de nus qui figuraient dans le corpus de l'exposition.

Au terme d'un intense échange de courriels survenu en décembre dernier avec l'artiste pour le convaincre de brader ces nus pour d'autres «portraits et personnages», l'événement a finalement été annulé à la demande de l'artiste, qui dénonce la pudibonderie municipale.

«Il n'y avait rien de provocant dans mes dessins. Une fonctionnaire de la Ville avait même vu toutes mes oeuvres dans un CD. C'est de la fausse représentation. Je ne peux exposer dans ces circonstances, car les gens qui me connaissent verront bien que ce n'est pas représentatif de mon travail», a déclaré Carl Duplessis, qui devait exposer ses dessins au Centre communautaire Elgar du 13 janvier au 26 février.

Dans les nombreux courriels expédiés à l'artiste, la Ville ne cache pas les raisons de sa volte-face. L'arrondissement estime inapproprié d'exposer des représentations de corps nus dans un espace où déambulent librement de jeunes enfants.

«Compte tenu qu'il y a une école attachée à notre centre communautaire et que les enfants passent tous les jours dans ce hall [...] vous comprendrez qu'il ne faut aucune perception ou allusion d'un sein [sic], d'une fesse ou d'une partie génitale dans les tableaux présentés en exposition. Tous tableaux ne respectant pas ces critères seront refusés», écrit Nancy Raymond, chef du Service arts et culture, dans un courriel obtenu par Le Devoir.

Malgré les divergences de vues survenues en cours de négociation, la Ville avait pourtant déjà fait imprimer à ses frais le carton d'invitation pour le vernissage de l'exposition, affichant le croquis d'un homme nu intitulé Jean-Pierre Le Penseur.

La directrice du Service arts et culture n'a pas rappelé Le Devoir. Mais Francine Morin, responsable du protocole et des relations publiques pour l'arrondissement de Verdun, s'est chargée d'expliquer les motivations de la mairie. «Nos expositions ne se font pas dans des salles fermées, mais dans un hall où les enfants circulent librement sans surveillance. C'est un lieu public», a-t-elle insisté.

Interrogée pour savoir si cette position de principe découlait d'une politique adoptée par le jury, par le Service arts et culture ou par l'arrondissement, Mme Morin a rétorqué que cette décision n'était basée sur «aucune politique écrite, mais découlait plutôt du gros bon sens».

«On ne peut forcer les gens à être exposés à cela parce qu'ils entrent dans le centre communautaire», a-t-elle insisté, affirmant que l'artiste a été avisé verbalement à plusieurs reprises de ces conditions. À son avis, la position de la Ville serait totalement différente si les oeuvres étaient exposées dans une salle fermée.

Et si des reproductions de nus de Manet ou de Picasso venaient à être exposées dans le hall communautaire, la mairie de Verdun changerait-elle sa position?

«On ne les exposerait probablement pas», a soutenu Mme Morin, qui assure que le contexte du centre communautaire diffère totalement de celui d'un musée, où les gens choisissent sciemment d'y amener leurs enfants.

Plutôt inoffensifs, les croquis proposés par l'artiste Carl Duplessis esquissent surtout les contours du corps et affichent, à l'occasion, un mamelon effacé ou la courbe d'une fesse.

Même si la porte-parole de l'arrondissement soutient que des pressions de citoyens ne sont pas à l'origine de la frilosité des autorités, un courriel envoyé il y a quelques mois à l'artiste par une employée du Service arts et culture permet d'en douter.

«Nous devons nous assurer que les oeuvres présentées pour les visiteurs du centre soient sans équivoque. La clientèle de l'île des Soeurs est un peu intransigeante et nous avons eu dans le passé plusieurs plaintes pour des oeuvres qu'ils jugeaient choquantes», explique le courriel.

En effet, d'autres artistes ont eu à subir les foudres ou les railleries des citoyens de l'île des Soeurs. Une oeuvre du sculpteur Michel Goulet, Le Carrefour de l'île, installée dans un carrefour giratoire en 2005, s'était attiré de nombreuses critiques. En septembre dernier, avant même qu'elle soit achevée, une oeuvre d'architecture publique réalisée par la firme d'architectes In Situ au coût de 450 000 $ a quant à elle été mise au rancart, après avoir été boudée par les riverains.

Intitulée Milieu humide, l'oeuvre architecturale retenue à la suite d'un concours pancanadien avait été officiellement retirée pour des raisons de sécurité. Mais le maire de l'arrondissement, Claude Trudel, avait reconnu que l'oeuvre cinétique et écologique, constituée de plantes et de tiges vert lime qui diffusaient lumière et bruine légère, avait soulevé un tollé chez les insulaires. Conçues pour évoquer les roseaux ondulant sur les rives, les fameuses tiges lumineuses avaient été qualifiées de «Popsicles» par des citoyens en colère.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

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