L’Arracheuse de temps au Théâtre du Rond-Point

Revue de presse

Christine Sanchez, artistikrezo.com, le 1er octobre 2009

C’est au cœur du Québec que Fred Pellerin nous offre de voyager le temps de son spectacle. Et depuis le quotidien du petit village de Saint-Elie, il nous tire jusqu’aux confins d’un merveilleux légendaire qui sied impeccablement à son art de conter…

Tout se passe dans un village isolé du Canada, et comme on le sait, dans un village les gens parlent, et parlent encore. C’est donc puisant dans la source apparemment intarissable des croyances et dires de son village natal que Fred Pellerin est devenu conteur. Et si dans ce petit monde, il faut bien que les gens se gorgent de chaque évènement pour le grossir à plaisir, il faut admettre que ce québéquois excelle en la matière. N’inventant rien puisque sa grand-mère Bernadette lui a tout raconté, il nous transmet d’improbables légendes entre ses digressions à la mandoline ou à la guitare. Ses légendes se rappellent de tout, allant de la saveur d’une bière illégale à la douleur d’une mort, et ce en passant par la teneur sucrée d’une pomme de presque Adam.

Aussi les contes de Fred Pellerin sonnent-ils comme un habile et tortueux maniement d’histoires, mais surtout de mots… Et ses mots à lui, ce sont ceux d’un poète franco-québécois d’aujourd’hui. Il en sert de toutes les sortes : des gros, des petits, des intelligents, des simples, des absconds, des désuets ou encore des inventés !... Avec ça, le poète ose le gracieux tour de se déployer dans une conjugaison inédite, cuisinée à sa façon au bénéfice d’une mélodie chantante. On aime encore qu’en dépit d’une écriture à la fois burlesque et chiadée, le poète ne s’empêche pas quelques improvisations qui rendent sa littérature des plus vivantes.

Quant à la prestation hors pairs du conteur, elle rend grâce à une tradition orale joliment vivante. Si le sémillant jeune homme a de quoi en séduire plus d’une avec ses adorables boucles d’or, c’est vraiment devant ses expressions spontanées, devant ses éclats de rires naïfs et à l’écoute de son accent sympathique que l’on tombe irrésistiblement sous le charme. Toujours sobre et léger, il parait respirer dans un humanisme inébranlable jusqu’à son salut qu’il nous donne chargé d’une belle émotion !

Un délicieux conteur qui parvient en simplicité à susciter les rires et les pleurs au moyen d’un quotidien qu’il exalte. Un grand cru aux multiples saveurs, chacune étant porteuse d’une émotion unique. Désopilant, émouvant, subtile… De l’émerveillement à l’état pur !

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.