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Philly: un petit Paris

Le berceau des États-Unis est une ville d'art, riche d'une longue tradition culturelle

Revue de presse

Carolyne Parent, Le Devoir, 29 mars 2009

Le Penseur, d’Auguste Rodin, Musée Rodin, Philadelphie, Pennsylvanie, É.-U. En ces temps économiquement difficiles favorisant le tourisme de proximité, Philadelphie se positionne sur le marché nord-est américain comme un mini-Paris. Un parallèle pas si saugrenu qu'il n'y paraît à première vue, renforcé ces temps-ci par une exposition majeure consacrée à Cézanne et certainement digne du Musée d'Orsay.

Philadelphie — Un mini-Paris en Pennsylvanie? Voyons donc! À moins qu'une poignée de bistrots baptisés Zinc, Cochon ou La Minette ne suffisent à certains pour faire illusion, penseront les sceptiques. Et pourtant, le berceau des États-Unis (la Déclaration d'indépendance y fut signée, la Constitution rédigée) possède bel et bien quelques airs de la Ville Lumière.

Photo ci-dessus : Le Musée Rodin abrite la plus grande collection d'oeuvres du maître sculpteur hors de l'Hexagone. (Photo : Jacques Lanciault, 2015)

Un coup d'oeil au monumental hôtel de ville et voilà qu'on songe au Louvre. Une promenade le long du Benjamin Franklin Parkway, où sont concentrés les musées de la cité et, tiens donc, on se croirait presque sur les Champs-Élysées, dont il est inspiré. Ses architectes français, Jacques Gréber et Paul Philippe Cret, ont également dessiné le Musée Rodin, qui abrite la plus grande collection d'oeuvres du maître sculpteur hors de l'Hexagone.

La Family Court et la Free Library, elles, évoquent l'hôtel de Crillon, place de la Concorde. «La construction du Parkway est née d'une volonté de moderniser Philadelphie, et lorsqu'on a commencé à en parler, en 1907, on n'en avait alors que pour le modèle urbain parisien, rénové sous Napoléon III», explique le guide Andrew Wineman.

Une importante concentration d'immeubles des XVIIIe et XIXe siècles de même que peu de gratte-ciel contribuent à donner à la ville de 1,4 million d'habitants une physionomie Vieille Europe. Et puis, oui, il y a bien ici un art de vivre à l'européenne, note Danièle Thomas Easton, ex-consule honoraire de France à Philadelphie, où elle réside depuis 30 ans.

«On fait nos courses à pied, dit la dame native de Lille, on trouve de bons vins et fromages, et dès le retour des beaux jours, des marchés en plein air, comme celui du square Rittenhouse, où on vend des fruits qui nous arrivent deux heures après avoir été cueillis dans les fermes amish. Il y a aussi plein d'endroits sympathiques où boire un café et prendre le temps de respirer.»

Selon Mme Easton, quelque 5000 Français habitent dans l'agglomération de «Philly». Ce sont des étudiants, des professeurs d'université et des employés de sociétés françaises établies dans les parages. Des restaurateurs aussi, qui rehaussent le paysage gastronomique de celle qui fut la première capitale des États-Unis.

À leur intention et à celle des francophiles locaux, l'Alliance française programme quantité d'activités, telle cette conférence sur Charles Aznavour donnée tout récemment par «notre» Monique Giroux. «Il ne se passe pas une semaine en ville ou dans la région sans que s'y déroule un événement ayant un thème français, dit l'ex-consule, que ce soit dans le cadre du Festival du film, à l'opéra ou ailleurs. Alors, oui, Philadelphie est un mini-Paris, mais un "mini-Paris plus", avec un melting-pot qu'on ne retrouve pas là-bas et une échelle à l'européenne qui fait qu'on s'y sent bien.»

À l'instar de la capitale française, bien qu'à son échelle propre, Philadelphie est aussi une ville d'art, riche d'une longue tradition culturelle. La première bibliothèque publique des États-Unis y fut fondée en 1731 par Benjamin Franklin, l'un des pères de la nation. La Pennsylvania Academy of Fine Arts, premier musée et première école des beaux-arts du pays, y a vu le jour en 1805.

Depuis 1959, le programme d'art public de la Ville a donné à ses rues, parcs et squares quelque 300 oeuvres. Et pour en finir, à tort ou à raison, avec les graffitis, une initiative des secteurs privé et public lancée en 1984 a permis la création de 2800 murales dans ses quartiers.

Quant au Philadelphia Museum of Art, l'un des plus importants aux États-Unis, il survole pas moins de 2000 ans de création artistique en 200 salles. Jusqu'au 17 mai prochain, on y présente d'ailleurs une exposition majeure qui ne déparerait pas le musée d'Orsay: Cézanne and Beyond.

Épater la galerie
Alors là, les fans du peintre français sont servis! À une soixantaine de toiles, aquarelles et dessins du père de l'art moderne répondent une centaine d'oeuvres issues de collections publiques et privées en majorité européennes, de 18 artistes qu'il a d'une manière ou d'une autre inspirés. Ainsi, au Baigneur du maître est juxtaposé le Canuck Yankee Lumberjack de Marsden Hartley; aux Joueurs de cartes, d'autres joueurs immortalisés en une photo du Canadien Jeff Wall, montée sur un caisson lumineux. De salle en salle, le visiteur est témoin du formidable dialogue artistique qui s'est instauré en un siècle entre Cézanne et Matisse, Picasso, Giacometti, Ellsworth Kelly et Jasper Johns, pour ne nommer que ceux-là.

Ajout récent à ce musée en pleine expansion, le Ruth and Raymond G. Perelman Building, du nom de généreux mécènes locaux, loge dans le superbe édifice Art déco d'une ancienne compagnie d'assurances, auquel on a greffé une nouvelle construction. Jusqu'au 1er novembre prochain, on y présente Henri Matisse and Modern Art on the French Riviera. Cette petite exposition se concentre sur deux douzaines de toiles du maître et sur une quinzaine d'oeuvres de ses contemporains qui, eux aussi, ont été séduits par la lumière de la Côte d'Azur.

On en redemande? Alors cap sur la richissime Barnes Foundation, dans la proche banlieue de Philadelphie, ses 69 Cézanne et plus de tableaux de Matisse que n'en compte le musée qui porte son nom à Nice! Fils d'un boucher, le Dr Albert Coombs Barnes fit fortune au début du XXe siècle en élaborant un produit antiseptique. Jusqu'à sa mort, en 1951, il a constitué la plus grande collection privée au monde de toiles de peintres français modernes, impressionnistes et post-impressionnistes. Matisse réalisa même une murale spécialement pour son musée. En homme de science, le Philadelphien a agencé ses 800 oeuvres selon le principe des doubles composantes du corps humain. Ainsi, tout autour d'une toile occupant le centre d'un mur s'en télescopent d'autres choisies en fonction d'une palette, d'une manière, d'un motif communs afin de mettre en relief l'évolution de la peinture. Stupéfiant!

Pour digérer tout ça, rien de tel qu'une halte gourmande dans l'un des bons restos français de la ville comme Parc, Lacroix, Le Bec-fin, qui concourent à lui donner cette French Touch grâce à laquelle l'office de tourisme local souhaite nous allécher. Mais qu'on y soit sensible ou pas, Philadelphie demeure une ville formidable, peu connue, sandwichée qu'elle est entre New York et Washington, ses célèbres voisines qui lui volent indûment la vedette.

***

En vrac
- Tourisme de proximité. D'accord, Philadelphie est à quelque 750 kilomètres de Montréal, donc pas exactement à la porte, mais plus près tout de même que Paris!

- 50 % moins cher. Selon la Greater Philadelphia Tourism Marketing Corp., chambres d'hôtels et repas au restaurant coûteraient ici jusqu'à 50 % moins cher qu'à New York et Washington.

- Forfaits hôteliers. Dans le cadre de l'exposition Cézanne & Beyond qui, soit dit en passant, ne sera pas présentée ailleurs, une douzaine d'hôtels de Philadelphie proposent des forfaits de séjour incluant des billets pour l'expo sans heure fixe de visite. On en trouve les coordonnées à www.philamuseum.org. Bien situé, logeant dans l'ancienne Bourse de la ville, le Sofitel offre un service à la française bien de circonstance.

- Bon à savoir: tous les vendredis, dès 17h, au Philadelphia Museum of Art , a lieu l'événement «Art After 5». Pour l'occasion, le Great Stair Hall se transforme en un bar intime où on s'attable pour siroter un chardonnay et grignoter des hors-d'oeuvre tout en écoutant, le premier vendredi du mois, un concert en lien avec l'une des expos du musée ou, les autres vendredis, un groupe de jazz. Lancé en 2001, ce programme vise à diversifier la clientèle du musée, explique Sara Moyn, responsable de la programmation. Mission accomplie, semble-t-il, car ces soirées attirent en moyenne 800 personnes de tous âges et horizons.

- La Barnes Foundation. Qu'on vienne de Montréal ou de Paris, il faut réserver au moins un mois à l'avance pour y mettre les pieds. En 2012, la Fondation déménagera dans un nouvel espace présentement en construction sur le Benjamin Franklin Parkway.

- Une French Connection historique à lire. Le Banquier et le perroquet, de Philippe Simiot, raconte l'incroyable destin d'un commerçant bordelais, Étienne Girard, qui s'établit à Philadelphie le jour même de la Déclaration d'indépendance des 13 États américains, fraye avec Franklin et y devient riche au point de pouvoir financer la guerre de 1812 contre l'Angleterre. L'American Dream avant la lettre!

- Avis aux collectionneurs de mobilier et d'objets décoratifs français: depuis 26 ans, la Calderwood Gallery ne propose que des pièces de la période Art déco signées par les meilleurs designers du temps, Ruhlmann, Arbus et cie.

Carolyne Parent était l'invitée de la Greater Philadelphia Tourism Marketing Corp.

Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.

Remplis sous: É.-U. - Philadelphie, Voyages Mots clés:
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