20
Mar/08
0

Revue de presse : Madrid, ville d’ambiance et de culture

Andrée Lebel, La Presse, le jeudi 20 mars 2008

Cibeles sur son char. Fontaine de la Place de Cibeles, Madrid, Espagne.

À Madrid, tout se passe dans la rue. Les gens sortent beaucoup et il y a un va-et-vient constant, aussi bien la nuit que le jour. L'ambiance est festive. Devant les magasins ou sur les grandes places, des musiciens enchantent les passants.

Une partie du charme de la ville réside dans le fait qu'on peut facilement la visiter à pied. Ses rues étroites sont bordées de beaux immeubles de tous les styles, dépassant rarement six ou sept étages. Les quartiers du Centro ont beaucoup de cachet. Ici et là, d'anciennes façades de céramique ont été préservées tandis que les nouvelles boutiques récupèrent des décors d'anciens commerces.

Notre photo – La fontaine de la Place de Cibeles a été construite en 1782. Elle est couronnée d’une sculpture représentant la déesse de la fertilité, Cibeles, sur son char tiré par deux lions. La place de Cibeles est au carrefour des plus importantes avenues de Madrid. Un endroit par ailleurs très animé. (Photo Jacques Lanciault)

N. B. - Pour agrandir la photo, il suffit de cliquer sur celles-ci.

Pour un bain de foule, on se rend à la Puerta del Sol, reconnue comme le centre nerveux de la capitale. Devant l'ancien édifice des Postes, la plaque indiquant le kilomètre zéro est le point précis d'où partent toutes les routes nationales du pays aussi bien que la numérotation des rues de la ville. Après avoir été le lieu de plusieurs événements historiques, la Puerta del Sol continue d'accueillir les rassemblements populaires. Par exemple, c'est là que les Madrilènes se massent le 31 décembre pour entendre l'horloge sonner les 12 coups de minuit. Tout au long de l'année, ils se donnent rendez-vous autour de la statue L'Ours et l'Arbousier, les deux symboles de Madrid.

Quelques rues plus loin, la Plaza Mayor est tout aussi fréquentée. Cette grande place pavée du XVIIe siècle, entourée de magnifiques édifices et au centre de laquelle trône fièrement la statue équestre de Philippe III, était jadis le centre commercial de la ville. Elle a longtemps servi de marché, accueilli des tournois de toutes sortes et des corridas. Ce fut aussi le lieu des exécutions publiques. Ses arcades abritent maintenant des cafés et plusieurs boutiques d'artisanat.

Madrid, c'est aussi la passion du flamenco. Parmi les nombreux bars et restaurants qui proposent des spectacles, Corral de la Moreria est le plus ancien (1956) et le plus fameux. Les grands artistes du flamenco s'y produisent et si l'on en juge par la galerie de photos à l'entrée, le restaurant attire toutes les célébrités de passage à Madrid.

Autre endroit-culte de Madrid, le Museo Chicote est un bar à cocktails où l'on peut commencer ou finir la soirée. Depuis son ouverture en 1932, les artistes et les intellectuels aiment s'y retrouver. Selon les serveurs, Hemingway y avait son tabouret; Dali, Lorca et Bunuel y ont passé des heures, et le cinéaste Pedro Almodovar y viendrait régulièrement. Le bar a gardé son décor d'antan, un peu sombre, mais plein de charme.

Pour l'ambiance, il y a aussi les marchés du dimanche matin. Depuis le Moyen-Âge, le célèbre marché aux puces El Rastro se tient près de la rivière des Tanneurs. Antiquités, artisanat, vêtements usagés ou neufs à prix imbattables, il y a de tout. Plus spécialisé, le marché aux timbres et aux monnaies de la Plaza Mayor attire les collectionneurs.

Ville d'histoire
Après le Prado, le Palais royal est l'endroit le plus visité de Madrid. Construit sur l'emplacement de l'alcazar (l'ancienne forteresse maure), l'édifice de pierres blanches et granit fut la résidence des rois d'Espagne jusqu'à l'abdication d'AlphonseXIII en 1931. Depuis, le roi habite un château plus modeste de la banlieue tandis que le palais, qui témoigne de la gloire des souverains espagnols, continue d'être utilisé pour les réceptions officielles. Plusieurs pièces sont ouvertes aux visiteurs, dont la salle du trône, la salle de porcelaine et le magnifique salon décoré par Gasparini dans un style rococo extravagant. Ici et là, on peut admirer des plafonds de Tiepolo, des tapisseries de Goya, une collection d'horloges et une collection d'instruments de musique comprenant cinq Stradivarius. La visite comprend l'entrée à la pharmacie royale, qui est un musée en soi avec ses vases de verre et de porcelaine qui portent le nom des plantes utilisées par les médecins du roi. De la cour, on a vue sur de beaux paysages de campagne.

Pendant que vous y êtes: ne manquez pas de jeter un coup d'oeil à la cathédrale de la Almudena. Inaugurée en 1993 par le pape Jean-Paul II, sa construction avait commencé en 1883. Au fil des ans, les architectes se sont succédé et suivant l'évolution des styles, la cathédrale a été redessinée plusieurs fois. Le résultat est très éclectique et on a finalement opté pour une façade qui s'harmonise avec le Palais royal auquel elle fait face.

Vous pouvez passer la journée entière dans le quartier du Palais royal. La Plaza de Oriente est agrémentée des statues des premiers souverains espagnol, trop lourdes pour être placées comme prévu sur le toit du Palais royal, et d'une impressionnante statue de Philippe IV, réalisée d'après un portrait par Vélasquez. L'Opéra, qui a retrouvé sa beauté d'antan, est entouré de sympathiques cafés. Un peu plus loin, dans la calle Mayor, on peut voir des vestiges de murailles médiévales maures et chrétiennes.

Ville d'ouverture
Madrid mise beaucoup sur son ouverture et sa tolérance pour attirer les touristes. C'est une ville accueillante où l'on cultive un véritable sens de l'hospitalité. De plus, les Madrilènes parlent souvent plusieurs langues, dont le français.

Le quartier gai Chueca est sans contredit le plus branché. Dans le dédale de ses petites rues sombres, apparaissent toutes les semaines de nouvelles galeries d'art et des boutiques de design. Les créateurs de mode voisinent les salles de piercing et de tatouages tandis que les artisans proposent leurs bijoux. Les vitrines sont souvent étonnantes et la musique, assourdissante.

Le soir, l'atmosphère devient électrique. Des gens de toutes les nationalités et de toutes les tendances sexuelles se côtoient dans les bars, pubs et restaurants de toutes sortes. Et c'est un véritable festival de musique: rock, jazz, techno et flamenco se font entendre jusque dans la rue. C'est le Madrid de la Movida, un mouvement rendu célèbre par le cinéaste Pedro Almodovar.

Ville de culture
Trois musées valent à eux seuls un séjour dans la capitale espagnole.

Le Prado
Le Prado est reconnu comme l'un des plus grands musées du monde. C'est une vitrine incomparable de l'art espagnol du XIIe au XIXe siècles. Plus de 100 peintures de Goya et presque autant de Vélasquez constituent une partie importante de la collection, qui compte aussi plusieurs tableaux des écoles italienne et flamande. Inauguré en 1819 pour exposer les oeuvres acquises par les rois d'Espagne, le musée est aménagé dans un bel édifice de style néoclassique et même s'il est très fréquenté, les vastes salles permettent d'apprécier pleinement les oeuvres.

Mon coup de coeur: les Peintures noires de Goya.
Pendant que vous y êtes: au sud du Prado, le Jardin botanique royal, créé en 1781, rassemble plus de 30 000 espèces de plantes. En février, il y avait déjà quelques platebandes en fleurs.

Derrière le Prado, le parc du Retiro est en quelque sorte le Central Park de Madrid. Jadis réservé à la famille royale, il est ouvert au public depuis 1869. Les Madrilènes vont y faire leur jogging, se détendre à l'heure du lunch ou s'y promener en famille durant les week-ends. Amuseurs publics, musiciens et diseurs de bonne aventure animent le sentier principal. Un peu plus loin, la colonnade en hémicycle avec la statue équestre d'Alphonse XII se reflète dans le lac où on peut se promener en barque. En plein coeur de la ville, on retrouve ainsi la tranquillité et le silence de la campagne.

Le Centre d'art Reina Sofia
Le Centre d'art moderne Reina Sofia est un incontournable pour les amateurs de Picasso, Dali ou Miro. Jusqu'au 28 avril, 400 oeuvres prêtées par le musée Picasso de Paris s'ajoutent à la collection permanente qui comprend entre autres Guernica, devant lequel les touristes font la queue. C'est aussi l'occasion de découvrir plusieurs autres peintres et sculpteurs espagnols, de même que des peintres européens du 20e siècle.

L'architecture du musée, aménagé dans l'ancien hôpital général de Madrid, est fort intéressante. L'austérité des longs corridors et des salles aux murs blancs met les oeuvres en valeur. Des ascenseurs extérieurs donnent une vue sur le quartier tandis que la nouvelle aile du musée, conçue par Jean Nouvel en 2005, a donné une personnalité et de la couleur (rouge) à l'extérieur plutôt anonyme de l'ancien bâtiment. L'immense sculpture Coup de brosse de Roy Lichtenstein se déploie dans l'entrée.

Mon coup de coeur: les trois peintures que Dali a faites de sa soeur.

Pendant que vous y êtes: la gare Atocha, où ont eu lieu les attentats du 11 mars 2004, abrite maintenant un jardin tropical, entouré de boutiques et cafés. À quelques pas, un monument vient d'être inauguré à la mémoire de ceux qui ont péri lors de ce tragique événement.

Le musée Thyssen-Bornemisza
Le musée Thyssen-Bornemisza renferme la deuxième collection d'oeuvres d'art privée du monde après celle de la reine d'Angleterre. Ces 800 tableaux constituent un panorama exceptionnel de la peinture occidentale du XIVe au XXe siècles. On peut y voir des oeuvres de Titien, Tintoret et Caravage aussi bien que d'autres de Pollock, de Kooning et Hopper, en passant par Cézanne, Degas et van Gogh. Toutes ces oeuvres rassemblées par la famille Thyssen-Bornemisza durant deux générations ont été acquises par l'État espagnol en 1993 et logées dans le palais de Villahermosa, qui est un bel exemple de l'architecture néoclassique madrilène. Une nouvelle aile (2004) a permis d'ajouter quelque 250 tableaux rassemblés par la baronne Carmen Thyssen-Bornemisza. J'y ai vu également la magnifique exposition Modigliani et son temps, présentée jusqu'au 18 mai.

Mon coup de coeur: Coucher de soleil de Georgia O'Keefe.

Ville d'architecture
De la fontaine de Cybèle (l'une des plus belles de Madrid) jusqu'aux tours Kio, le paseo de Castellana est l'axe principal du quartier des affaires. Avec de nombreux édifices de verre et d'acier, il ambitionne de ressembler à Manhattan. Pour ce faire, des architectes de renommée internationale sont appelés à rivaliser d'audace. Quatre nouvelles tours changeront bientôt la silhouette de la ville. L'une d'entre elles, conçue par Norman Foster, deviendra la plus haute de Madrid à 240 mètres. Elle détrônera ainsi la tour Picasso (157 mètres), qui a été conçue par

Minoru Yamasaki, l'architecte du World Trade Center de New York.

Il faut aussi voir le palais des congrès avec la murale de Joan Miro, la tour d'Europe et les fameuses tours Kio, qui avec leur inclinaison de 15 degrés forment la porte d'Europe. Autres prouesses architecturales, les Tours blanches (Torres Blancas) de l'architecte espagnol Francisco Javier Saenz de Oiza, et l'hôtel Puerta America, qui a été réalisé par une dizaine des plus grands architectes actuels, dont Jean Nouvel, Zaha Hadid, Arata Isozaki et Christian Liaigre.

Ville de gastronomie
Madrid est renommé pour sa cuisine. Les touristes aussi bien que les Madrilènes raffolent des savoureux tapas que l'on partage entre amis en buvant du vin ou de la bière. Pour le lunch (vers 14 h 30) et le dîner (vers 22 h), les restaurants servent entre autres d'excellents plats de poissons, de porc et de poulet.

Même si le fameux restaurant El Bulli est éloigné de Madrid, son chef de renommée internationale, Ferran Adria, est partout présent dans la capitale.

Ses disciples Sergi Arola, Paco Roncera, Dario Barrio, Jaime Renedo et Paco Morales proposent leurs créations raffinées dans les meilleurs restaurants, comme Arola Madrid (situé dans le Centre d'art Reina Sofia). En optant pour le menu dégustation, j'y ai vécu une expérience gastronomique inoubliable.

La curiosité m'a poussée à visiter aussi le Fast Good, qui offre des sandwichs et des salades signés Ferran Adria. C'est un fast-food sain et savoureux, à petits prix.

Remplis sous: Espagne, Voyages Mots clés:
Commentaires (0) Trackbacks (0)

Aucun commentaire pour l'instant

Laisser un commentaire


Aucun trackbacks pour l'instant