17
Nov/06
0

Revue de presse : Andalouseries

Carolyne Parent, Le Devoir, cahier tourisme, samedi et dimanche 10 et 11 juin 2006

Patio vue de la rue, Séville, Espagne (Photo Jacques Lanciault).

Los gatos. Comme les chats, les Madrilènes vivent surtout la nuit. D'où ce surnom. Remarquez, avec la siesta qui disparaît lentement mais sûrement de l'art de vivre espagnol, étalement urbain oblige, leur noctambulisme légendaire pourrait bien lui aussi tirer à sa fin. Mais pour l'heure, on les retrouve encore, ces infatigables fêtards, ne sortant des bars de Las Huertas à l'aube que pour mieux s'attabler à la Chocolatería San Ginés, sorte de Saint-Viateur Bagel où l'on sert churros et chocolat chaud. Je vous en glisse mot juste au cas où le décalage horaire ferait son oeuvre... Aussi, plutôt que de compter des moulins à vent pour trouver le sommeil, voyez la ville s'éveiller -- ou aller se coucher -- autour de la Puerta del Sol, de la plaza Mayor, de la plaza Chueca, gai quartier de la branchouille, et le long du boulevard ponctué de plazas monumentales qu'est le Paseo del Prado, de los Recoletos et de la Castellana. La Chocolatería San Ginés (Arenal 11) est sandwichée entre l'église San Ginés et la boîte Joy Esclava, l'ex-QG de feu la movida.

Séville… Flamenco et sevillana
Deux heures et demie d'AVE (non, pas la prière mais bien le train Alta Velocidad España) plus tard et nous voilà au coeur de l'Andalousie. Ah, Séville... Coup de foudre pour le quartier Santa Cruz, ses patios fleuris, ses orangers et sa Giralda, minaret de l'ancienne mosquée, qui raconte le rayonnement de la civilisation arabe au pays.

Pour la cathédrale où repose, mais rien n'est moins sûr, Christophe Colomb. Pour l'alcazar royal, paré d'azulejos, où notre explorateur faisait les cent pas en attendant qu'Isabelle ou Ferdinand daigne le recevoir. Et surtout pour l'envoûtante sevillana, l'une des nombreuses danses populaires dérivées du flamenco.

«Si le flamenco est né à Cadix, la sevillana est née ici, dans le quartier de Triana», dit la guide Estela González Rodríguez. Nous entrons au hasard dans l'un des bars bondés de la rue Betis, qui longe le Guadalquivir. Un accord de guitare retentit.

Et voilà qu'obéissant spontanément à cet appel, mamies et lolitas, mononcles et Julio envahissent la piste, toutes baguettes en l'air, le temps d'un fier pas de deux. Les pieds, ça peut aller, Estela, mais les bras, qu'est-ce que j'en fais ? « Simple : levez une main pour cueillir une orange imaginaire, portez celle-ci à la bouche et jetez-la gracieusement. Faites ensuite la même chose avec l'autre.» Simple, qu'elle dit ! Avis aux intéressés : du 13 septembre au 15 octobre prochain 2006, Séville tiendra sa XIVe biennale de flamenco.

La merveille de Cordoue. Édifiée au VIIIe siècle par le calife de Damas, cette Mezquita est la seule mosquée que l'Espagne ait préservée. Tout un monument...

«À l'époque, chrétiens et musulmans cohabitent harmonieusement à Cordoue, raconte la guide Isabel Martinéz. Cela dure jusqu'au XVe siècle, une période de grande noirceur de l'histoire espagnole, marquée par l'Inquisition. Curieusement, en dépit d'un fanatisme qui pousse les catholiques à commettre de terribles exactions, ils ne détruisent pas la fabuleuse mosquée : il semble qu'elle leur inspire tout de même le respect. Ils la consacrent église et, en 1523, construisent une cathédrale en plein milieu.

«Le vendredi, les musulmans la fréquentaient, le dimanche, c'était au tour des chrétiens et entre-temps, l'évêque, qui avait décidé de l'érection de la cathédrale, rendait ses jugements sanglants au tribunal de l'Inquisition ! Pour moi, ce monument est un symbole extraordinaire de tolérance», poursuit-elle.

Et aujourd'hui, en Andalousie, qu'en est-il des rapports entre chrétiens et musulmans ? « L'Andalousie est catholique et conservatrice, explique Mme Martinéz.

Il faut se rappeler que sous Franco, l'histoire de l'Espagne commence en 1492 avec les rois catholiques et la Reconquête. Le passé musulman est complètement occulté. Mes parents peuvent réciter le nom de tous les rois d'Espagne, les dates de toutes les batailles et des victoires de la Reconquista mais ils ne savent rien des Arabes, des califes, des Omeyades. Après la mort de Franco, il nous a fallu rédiger de nouveaux manuels scolaires d'histoire. Dans ce contexte, c'est sûr que la question musulmane est très sensible, même si les musulmans constituent une minorité de la population andalouse.»

Ainsi, même au fin fond de l'Espagne, on nous rappelle qu'on ne peut «revoir et corriger» l'histoire d'un pays impunément.

Chronique d'une mort annoncée

La Calera, non loin de Séville, est une ferme d'élevage de toros bravos destinés aux arènes de corridas, dont Las Ventas à Madrid, la plus grande et la plus réputée du pays. Bichonnés et bien nourris, les taureaux vivent ici en semi-liberté sous les oliviers jusqu'à ce qu'ils soient prêts à faire leur entrée dans la plaza. Ils auront alors quatre ans et pèseront 700 kilos.

Alfredo Covillo, toréador professionnel et employé de la ferme, parle de ces bêtes avec le plus grand respect. Il explique que le taureau est dit brave quand il est disposé à se mesurer à l'homme et noble quand il se plie au rituel tauromachique.

«Un combat de taureau, poursuit-il, ce n'est pas un taureau qui cherche à tuer un homme, ni un homme qui cherche à tuer une bête : c'est le triomphe de la vie, c'est une histoire de passion. Vous ne pouvez pas comprendre si vous n'avez jamais vu de corrida.»

Avez-vous déjà entendu 24 000 personnes s'exclamer «Olé ! » à l'unisson à chaque passe du matador ? Huer celui-ci parce que la mise à mort traîne au-delà des vingt minutes que doit durer une corrida ? Ou encore étouffer un cri parce que le taureau vient de l'encorner ? Je n'y comprends peut-être rien mais j'y vois de la beauté, de l'art et du tragique.

En tout cas, un toro bravo n'a certainement rien à envier à un boeuf de boucherie des Prairies qu'on abattra à 20 mois. Et il ne meurt pas en vain non plus : les meilleurs restaurants s'arrachent sa viande à gros prix.

Blanche Ronda

«En Espagne, tous les petits garçons veulent être toreros, dit le guide Angel Rico Martinéz. Jusqu'à ce qu'ils voient un taureau ! Car, vous savez, El Cordobès représentait le rêve espagnol. Il était millionnaire et les jeunes se disaient : s'il a pu y parvenir, nous aussi.»

Nous sommes à Ronda, blanc village de carte postale, haut perché dans la sierra et assis de part et d'autre d'un ravin. Berceau de la tauromachie, le patelin a vu naître une grande dynastie de toreros : les Romero. Au XVIIIe siècle, Francisco, l'ancêtre, inventa la muleta, la fameuse cape rouge, et fut le premier à combattre les taureaux à pied et non à cheval, comme on le faisait alors depuis le Moyen Âge. Son petit-fils, Pedro, fut l'un des plus célèbres toréadors du pays. Pas étonnant que la fierté de Ronda soit son arène, l'une des plus vieilles d'Espagne, même si elle n'est désormais utilisée que pour trois combats annuels se déroulant au cours de la Feria de septembre. Bon à savoir : au restaurant Pedro Romero, on sert un délicieux plat de... queue de taureau !

La Costa del... béton

Des 60 millions de visiteurs que reçoit en moyenne l'Espagne annuellement, 20 millions se rendent en Andalousie, dont neuf millions dans la province de Málaga et sa Costa del Sol.

Mais quel désastre, cette côte ! La frénésie immobilière y est telle qu'on a bien dû réquisitionner toutes les grues de construction du pays... À Torremolinos, la principale station balnéaire, il n'y a que ça, des tours, hôtelières et résidentielles. Marbella et Puerto Banús sont bel et bien chics, mais à moins de tenir mordicus à séjourner en compagnie de Fendi, Lenôtre et Jacques Despars, passez go. L'arrière-pays ? Faites vite, les grues s'en viennent ! Déjà que 65 parcours de golf y prennent leurs aises...

En cette année du 125e anniversaire de naissance de Pablo Ruiz Picasso, découvrons plutôt sa belle ville natale, Málaga, et le Museo Picasso qui, en sus de sa collection permanente, présentera l'exposition Muses et Modèles du 2 octobre 2006 au 1er février 2007. Côté mer, il y a les plages environnantes ou, bien mieux, dit-on, celles de la Costa de la Luz, entre Tarifa et Cadix.

Vamos de tapeo... ou allons de tapas en tapas. Ce qu'on picore bien en Andalousie ! En plus des olives et de la traditionnelle tortilla (une omelette) de patatas, on sert partout de fines tranches de jamón ibérico, tellement meilleur que le jamón serrano, selon les connaisseurs. C'est que cette viande est parfumée des glands de chêne dont se nourrit le porc noir pata negra, élevé à Jabugo, au coeur de la forêt de la Sierra Aracena. À déguster avec une manzanilla, un vin blanc concocté à Sanlúcar de Barrameda, moins sec que le fino de Jerez, produit sur le terroir voisin.

En passant, sachez qu'ici, il n'est pas coutume de recevoir ses amis chez soi : la maison est un territoire privé, réservé à la famille. Les copains, on les voit plutôt au resto. S'il y a de l'andalou en vous, suggestion : à Montréal, emmenez les vôtres au chouette bar à tapas Tapeo.

Vols directs. Ce dernier argument est de taille, avouons-le. Air Transat offre maintenant les seuls vols directs sur Madrid en partance de Dorval. C'est donc un départ le lundi et, à partir du 23 juin, également le vendredi, jusqu'au 30 octobre.

Pour sa part, le voyagiste Nolitours a concocté «Espagne torride», un nouveau programme de circuits accompagnés et autonomes ainsi que de forfaits d'hébergement et d'excursions, auquel peut se greffer la location d'une voiture. Selon la directrice des produits européens pour Transat Tours Canada, Maria Couturier, l'offre est grandement diversifiée : « Elle va du circuit où le voyageur est pris en charge de A à Z à l'option en liberté.»

Exclusif à Nolitours, «Splendeurs andalouses» est un circuit accompagné de neuf jours. Vous en avez eu un bref aperçu en parcourant cet article. Mais Espagne-Portugal, Andalousie-Maroc, Madrid-Valence-Barcelone, Costa Brava, Nord de l'Espagne et Saint-Jacques-de-Compostelle sont d'autres options.

Tout est possible, et plus encore. «Si on peut aller dans le Sud apprendre la salsa, on peut aussi aller en Espagne apprendre l'espagnol ou la cuisine, lance Mme Couturier. À Barcelone, on peut même apprendre à préparer tapas et paella.» Tiens, quelle bonne idée !

- À glisser dans son sac à dos : le Guide du routard Andalousie 2006 ou 420 pages de bonnes adresses, de bons tuyaux.

Remplis sous: Espagne, Voyages Mots clés:
Commentaires (0) Trackbacks (0)

Aucun commentaire pour l'instant

Laisser un commentaire


Aucun trackbacks pour l'instant